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APP : individualiser n’est pas personnaliser ou apprendre à s’autoformer !

2004 - Jean Vanderspelden - Actualité de la Formation Permanente - Centre Inffo

APP : individualiser n’est pas personnaliser ou apprendre à s’autoformer !
par Jean Vanderspelden , consultant IOTA+, mission nationale des APP - Octobre 2004

 in «Actualité de la Formation Permanente N°194» – 2005 – Centre Inffo – Paris – www.centre-inffo.fr.

 

L’Atelier de pédagogie personnalisée est, à l’origine dans les années 1980, un lieu ressource pour les jeunes en difficultés d’Insertion. Jean Vanderspelden, s’appuyant sur les différentes analyses qui ont été faites, brosse un tableau de la pédagogie de la formation en APP. De l’individualisation à la personnalisation pour aboutir à l’autoformation de l’apprenant, l’APP devient un déclencheur d’autonomie. Il occupe une place originale dans le paysage de l’insertion, de l’accès à l’emploi et de l’éducation permanente.

  

         Les APP ne s’appellent pas AFI comme «Atelier de Formation Individualisée», mais, «Ateliers de Pédagogie Personnalisée» [1], et toujours pas AAA comme «Ateliers d’Autoformation Accompagnée» ! En 1984, les pionniers, à l’initiative des premières expérimentations APP en région Rhône-Alpes [2], ont très vite convaincu leurs collègues de l’intérêt de prendre en compte la globalité de la personne apprenante dans des parcours d’insertion sociale et professionnelle intégrant un temps de formation. Les dés étaient jetés ! Non seulement, les APP proposeraient des solutions alternatives aux approches collectives en vue de mieux répondre aux besoins de chacun, mais en plus, ils tenteraient de prendre en compte la manière d’apprendre de chacune de ces personnes en s’appuyant sur le développement de leur autonomie pour optimiser leur temps de formation. Comme son sigle l’indique, la prise en compte globale de la personne, en particulier de ses dimensions identitaires et intégratrices, est au centre de l’action des équipes APP.

 

         Pourtant, lorsque l’on s’intéresse aux pratiques des APP, la quasi-totalité des articles ou des comptes rendus renvoient immanquablement, soit à la notion d’individualisation, soit à celle de l’autoformation, soit bien sûr, aux deux couplées. A quelques exceptions près sur lesquelles nous allons ultérieurement nous appuyer, aucun ne développe spécifiquement la notion de «personnalisation», ou bien marginalement, et, dans certains cas, de manière négative [3]. Doit-on débaptiser les APP, penser que «individualisation» est synonyme de «personnalisation», ou bien, faire le constat qu’un certain flou sympathique domine cette question sans importance ? Aucune de ces trois solutions ne nous satisfait ! Nous pensons qu’il existe une différence importante entre ces deux notions. Nous nous proposons ici de tenter de mieux cerner cette différence et d’apprécier les enjeux de leur complémentarité.

 

Pourquoi différencier individualisation et personnalisation ?

 

         Fin 2003, la DGEFP a décidé de rénover le cahier des charges national des APP dont la dernière deuxième version est datée du 14 janvier 1994 [4]. A cette occasion, un large travail de concertation préalable a eu lieu entre octobre 2003 et juin 2004 avec l’ensemble des APP, des DRTEFP, différents partenaires et de quelques Conseils Régionaux, sur «Les fondamentaux des APP». Le but était de réinterroger les pratiques APP, d’une part à la lumière de l’expérience acquise depuis 1984, et aussi, en fonction de la régionalisation de la formation professionnelle des adultes. Parmi les douze fondamentaux [5] proposés figure celui portant sur «l’individualisation et la personnalisation». En participant à ce travail de réflexion collective, nous avons pu constater que chacun d’entre-nous avait une vision différente de ces notions. Tenter d’identifier ce qui différencie ces deux notions devrait nous permettre, d’abord de mettre en valeur la spécificité de l’action APP et aussi, d’amorcer une réflexion qualité pour renforcer cette spécificité. Il ne s’agit pas d’imposer un cadre conceptuel national sur ces deux notions, mais plutôt de partager au sein du réseau une vision portée par de plus en plus d’équipes APP. Par ailleurs, entre le temps de l’innovation (1984) et aujourd’hui (2004), vingt ans se sont écoulés et, de plus en plus de pionniers passent le relais à de nouveaux collègues. Ces derniers n’ont pas forcément la perception du contexte initialement innovant dans lequel les APP se sont progressivement mis en place. D’autres références sont venues occuper le champ de la formation des adultes : alternance, formation tout au long de la vie, FOAD, approche Qualité, VAE, TIC, DIF, etc…

 

Apprendre à s’autoformer

 

Depuis 1992, la notion de «personnalisation» appliquée à la formation semble s’être temporairement évanouie [6]. Sauf erreur de notre part [7], plus aucun article ou compte-rendu ne traite directement de ce sujet, ou bien de manière ponctuelle. Cette occultation se fait au détriment de la visibilité de l’activité des APP. Deux grandes galaxies ont absorbé, semble t-il, cette étoile «personnalisation» devenue solitaire mais toujours brillante. Il s’agit d’un coté de la galaxie «l’individualisation» [8], bien sûr, l’autre étant celle la galaxie de «l’autoformation» [9]. Une recherche sur Internet est à ce propos assez éclairante. Il est facile de trouver des bibliographies sur ces deux thèmes ; rien en revanche sur «la personnalisation».

 

Nous faisons l’hypothèse que les apports liés à la notion de «personnalisation» se retrouvent, en partie, dans toute la sphère, aujourd’hui active, liée à «apprendre à apprendre» [10]. Cette approche sur le deutéro-apprentissage [11] (apprendre à apprendre ou apprentissage du contexte) permet d’imaginer et de mettre en œuvre diverses postures nouvelles d’interaction entre apprenant et appreneur : conforter et ajuster son projet (Apprendre Pour Pouvoir), aider à se reconnaître et à se connaître comme apprenant, apprendre autrement, apprendre à gérer l’espace temps, apprendre à prendre des risques, apprendre avec les autres (Apprendre Par Plaisir), apprendre à coopérer, coopérer pour apprendre, apprendre en action, apprendre à mobiliser les ressources, apprendre à s’auto-évaluer, etc… Concrètement, la question de l’apprendre à apprendre en APP [12] peut s’énoncer plus directement par «apprendre à s’autoformer». Les apprenants cherchent à prendre de la «bonne» distance par rapport aux formateurs ! Cette distance est fluctuante. Les formateurs font le même cheminement. Dans cette dynamique, les difficultés ne sont pas toujours que du côté des apprenants.

 

Par ailleurs, nous pensons que la lente et régulière montée en puissance des pratiques d’autoformation dans le champ de la formation continue des adultes explique en partie la disparition de la focalisation sur la notion de personnalisation. Toutes les équipes d’APP ne mettent pas en œuvre les mêmes niveaux d’autoformation qui s’appuie pragmatiquement sur «l’individualisation» de manière systématique et associe, intègre de plus en plus nettement aussi, la «personnalisation». Il s’agit là de notre deuxième hypothèse. Cependant, ces deux notions concernent deux registres distincts mais complémentaires et, de plus, hiérarchisés : la formation individualisée avec une logique organisationnelle et la pédagogie personnalisée avec une logique d’accompagnement. L’individualisation se cristallise d’abord via l’activité des formateurs, la personnalisation, via le vécu des relations collaboratives appreneurs-apprenants.

 

Le principe d’individualisation renvoie à un ensemble de procédures technico-pédagogiques qui organisent contractuellement la formation, d’abord pour construire un parcours de formation négocié à partir de la demande individuelle, spontanée ou induite, exprimée en termes de projet ou de besoin. Ces procédures permettent d’élaborer, puis de dérouler ce parcours avec des prestations, planifiées et régulées, en vue d’atteindre un objectif tenant compte, le plus possible, du niveau, de l’expérience, des acquis, des contraintes et des disponibilités propres à chaque individu. On cherche ainsi à ajuster les parcours de formation en travaillant sur l’agencement des séquences d’apprentissage, y compris dans l’alternance de séquences individuelles et collectives. La mise en œuvre de l’individualisation en formation est identique pour tous les apprenants. La cible est l’individu porteur de projet. L’individualisation de la formation est associée à une ingénierie organisationnelle. On parle de formation individualisée.

 

La notion de personnalisation porte sur un ensemble de processus de transformation de la personne vers une implication, progressive et optimisée, dans le déroulement de son parcours de formation individualisée. Ces processus se mettent en œuvre par une pédagogie dite personnalisée, focalisée sur l’accompagnement de l’apprenant, à partir de sa motivation et au travers de ses relations avec le formateur, le tuteur et les autres apprenants. Cet accompagnement se décline sous la forme multiple d’une aide facilitatrice donnée, aussi bien dans le suivi des activités d’apprentissage (vécu toujours comme un appui) que dans l’obligation de situations d’apprentissage nouvelles pour favoriser l’acquisition d’autonomie (vécue partiellement comme une contrainte). Le formateur peut ne pas répondre stratégiquement aux appels de l’apprenant. Face à cette situation paradoxale, l’apprenant va résister, plus ou moins, au changement dans la manière d’apprendre pilotée par les formateurs et mobiliser ses propres ressources. Cet accompagnement vise, dans les limites imparties à la durée de la formation, à renforcer les capacités d’apprentissage, en prenant en compte la globalité et l’émotion de l’apprenant et en tenant compte du profil et des stratégies d’apprentissage de chaque personne : principe de reconnaissance, étayage-désétayage pédagogique, médiation, méta-cognition, «Apprendre à apprendre», etc… La mise en œuvre d’une pédagogie personnalisée en formation est unique pour chaque apprenant. Elle repose sur une approche de type relationnel. Avec la personnalisation, on cherche à ajuster les stratégies d’apprentissage des apprenants, et donc les postures des formateurs [13]. Ce jeu d’interactions permet de réguler les activités de chaque apprenant dans les séquences d’apprentissage. On qualifie la pédagogie de personnalisée.

 

Certes dans une formation individualisée, l’apprenant bénéfice d’un accompagnement sous la forme de guidance dans les choix possibles. La pédagogie personnalisée amène progressivement l’apprenant, dans l’échange et la reconnaissance, à initier et à assurer progressivement une posture nouvelle face au savoir : mobiliser ses propres compétences et ses ressources pour développer son autonomie dans des situations d’apprentissages proposées à l’APP [14]. Dans des pratiques de formation individualisée, l’apprenant s’adapte. Avec une pédagogie personnalisée, l’adaptation est réciproque car le système doit être ouvert. Pour que les apprenants puissent oser s’engager dans cette voie, l’organisation doit être incitative et évolutive. Le renforcement de l’autonomie de l’apprenant n’est possible que si les formateurs se désengagent de la relation initiale pour une relation variable dans le temps.

 

APP, déclencheur d’autonomie

 

La première idée des pionniers à qui l’on doit la création des APP, fut qu’il était préférable de proposer à des jeunes en difficulté d’insertion des lieux ressources pour des attentes plus fructueuses. Pour profiter pleinement de ces sas, la question pré-supposée de l’autonomie est alors apparue. Pour aider ces jeunes, puis les adultes, plutôt faiblement qualifiés, à être plus autonomes dans leur capacité d’insertion sociale et professionnelle, et donc de retour vers l’emploi, la seconde hypothèse fut que ces lieux ressources devaient viser à renforcer d’abord leur autonomie dans l’apprentissage. Didier Possoz dans l’article déjà cité [15] proposait la définition suivante : «L’autonomie peut être ici définie comme le degré maximum sur l’échelle d’(in)dépendance de l’apprenant par rapport au détenteur du savoir (le formateur), du moins dans la capacité de l’apprenant à choisir et utiliser lui même les ressources mises à sa disposition pour définir son projet, tracer et suivre son itinéraire, s’approprier savoir et savoir-faire et évaluer ses acquis». Annie Mioche [16] ajouterait la capacité de l’apprenant «à passer de «la contrainte d’être», à «la permission d’être», puis à celle de la «possibilité d’être», pour se soustraire librement aux conditionnements d’autrui».

 

L’apparition des APP dans le paysage de la formation continue fut l’une des réponses concrètes pour sortir de la logique de stage dits «parkings», largement dominante dans les années 1974, qui répondait peu, ou pas du tout, aux attentes des jeunes 16-25 ans des banlieues lyonnaises. Casser la logique groupe permettait d’innover dans les réponses apportées pour une meilleure prise en compte d’un projet, d’une motivation ou de l’idée de sortir d’une situation instable, vecteur d’implication. Les conditions pour renforcer ce degré d’autonomie, sont d’abord de proposer des parcours propres à chaque individu, et ensuite, d’ajuster un accompagnement propre à chaque personne.

 

 

         Dans un APP, on met en oeuvre d'abord la logique d'individualisation (bloc 1) pour tous. A partir de là, on installe la logique de personnalisation (bloc 2) qui s'emboîte de telle manière à prendre en compte les spécificités de chaque apprenant. Un espace entre ces deux blocs représente l'ajustement fait par l'équipe de l'APP dans l'accompagnement. Chaque apprenant peut alors s'appuyer sur cette construction stable, pour pratiquer l'autoformation accompagnée (bloc 3). En rassemblant ces deux blocs (1 + 2) distincts et complémentaires (voir schéma ci-dessus), le principe d’autoformation accompagnée (3) s’est imposé pour atteindre cette autonomie. Fortes de cette construction, les équipes des APP proposent aux apprenants une dynamique originale d’autoformation accompagnée. Celle-ci conjugue, simultanément dans un espace-temps, ouvert et organisé autour d‘un centre de ressources, les principes de l’individualisation de la formation (1 : cadre de la formation) et de la pédagogie personnalisée (2 : mode d’accompagnement de la formation). Sans le bloc de la personnalisation (B) qui assure une jointure singulière, celui de l’autoformation (3) ne peut pas rester en équilibre pour installer durablement un échange et donc, une co-production.

 

Puisque la formation emprunte allègrement à la mécanique nombre de termes (parcours, itinéraire, positionnement, etc…), oserons-nous écrire que la personnalisation est à l’individualisation ce que l’accélération est à la vitesse ; une dérivée seconde. Sauf qu’il est difficile de mettre en équation les trajectoires de formation des apprenants ! La personnalisation détermine, dans le parcours d’une formation individualisée, le point d’inflexion propre à chaque personne pour qu’elle puisse prendre le risque de se lancer dans une autre dynamique d’appropriation des connaissances. Cette dynamique est co-entretenue et co-pilotée, dans une logique d’autoformation accompagnée, par les apprenants et par les formateurs. A ce titre, on pourrait qualifier la pédagogie mise en œuvre dans les APP de collaborative[17].

 

L’autoformation, point de convergence de l’individualisation et de la personnalisation

 

Gaston Pineau, de l’Université François Rabelais de Tours, dans un article publié en 1992 dans la revue «Recherche sur l’individualisation des programmes» et intitulé «L’individualisation, entre l’hétéro et l’autoformation», positionne clairement les deux notions «individualisation» et «autoformation», mais pas vraiment celle de la «personnalisation». L’auteur y fait juste une double référence, d’abord avec la mise en place des APP depuis huit ans, et aussi, en citant les trois perspectives de l’autoformation proposées par Pascal Galvani [18] à savoir ; «la perspective bio–cognitive renvoyant à la dimension existentielle de ce processus de l’évolution humaine couplant structurellement vie et connaissance ; la perspective socio-pédagogique éclairant les dimensions éducatives des structures sociales instituées ou non ; et enfin, la perspective technico-pédagogique pointant l’apport jugé essentiel des supports matériels et des moyens multimédias, comme moyen de formation [19]». De notre point de vue, la personnalisation de la pédagogie s’adosse tout particulièrement aux deux premières perspectives et l’individualisation de la formation, plus particulièrement à la troisième.

 

En 2003, Philippe Carré [20] de l’Université de Paris X propose dans un article sur «L’autoformation en APP ou les sept piliers revisités» [21] une analyse croisée entre un modèle théorique et un terrain d’application que sont les APP, via l’examen du cahier des charges national daté de 1994. Ce regard est d’autant plus intéressant et fertile que le modèle et le terrain se sont développés en parallèle. Parmi les sept piliers proposés par Philippe Carré, nous pensons que quatre [22] viennent plutôt conforter la formation individualisée et trois renforcent plus nettement la pédagogie personnalisée. Philippe Carré précise chacun de ces trois piliers :


 

 

 

 

Cette répartition des piliers est arbitraire. D’autres piliers pourraient aussi venir appuyer la pédagogie personnalisée. A ce niveau, il nous paraît important de souligner la forte interpénétration des deux notions, individualisation et personnalisation, que nous avons cherché à distinguer, dans une volonté d’éclaircissement. Les formateurs d’APP, dans leur pratique quotidienne, les associent avec efficacité aux bénéfices des parcours des apprenants.

 

Dans un article «Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie» [24], Monique Linard, professeur de l’Université de Paris X s’intéresse à une autre convergence liant l’autoformation et les TIC (Technologie de l’Information et de la Communication) autour du présupposé implicite de l’autonomie. Redéfinissant le concept d’autonomie entre «réflexe & réflexion», Monique Linard [25] précise que l’autonomie est un concept circulaire complexe qui permet à la fois l’autorégulation fonctionnelle, et aussi, l’expression d’une conduite intentionnelle. L’auteur montre les tensions inévitables de tout dispositif d’autoformation qui ne prend pas suffisamment en compte la complexité des processus d’auto-régulation et d’auto-organisation nécessaires aux apprenants. L’appel aux nouvelles technologies dans l’apprentissage et les échanges ne fait qu’amplifier les dérives possibles. Pour répondre à ces défis, Monique Linard écrit  :

 

 «L’autoformation devient un champ exemplaire de recherche et de pratiques parce que le choix fondamental entre paradigme de l’instruction et paradigme de l’apprentissage a été fait et assumé dans ces conséquences. Ce choix oblige à dépasser la coupure rationaliste entre transmission objective et assimilation subjective des connaissances. Il incite à prendre en compte de façon «conjonctive» et non plus juxtaposée les diverses perspectives qui conditionnent le développement d’une formation autonome : la perspective existentielle des personnes, celle socio-normative des institutions [26] et celle, propre à l’ingénierie, des dispositifs techniques.  

 

La perspective existentielle des personnes, ci-dessus citée, renvoie directement à l’approche proposée par Annie Mioche dans son article publié par le CLP[27] concernant la pédagogie personnalisée[28]. Sans une prise en compte minimale du pouvoir, des émotions et des difficultés, voire des angoisses, de la personne dans son environnement ouvert de formation, sans le partage minimum de valeurs de référence mutuellement acceptées, et enfin, sans la maîtrise suffisamment partagée des outils et des espaces d’apprentissage, l’autoformation semble être vouée à un échec. 

 

De la formation prévue à la formation vécue

 

Depuis vingt ans, les APP sont des acteurs majeurs de l’autoformation, tant quantitativement avec près de 200 000 personnes par an accueillies et «autoformées», que qualitativement. La pédagogie personnalisée ouvre une dynamique de la prise en compte de demande de la personne, par opposition à la logique d’offre dans laquelle les individus doivent se caler. En formation, l’individualisation serait une forme assouplie d’une prestation pré-définie. Dans la formation en stage, chaque membre du groupe reçoit la même prestation. Dans une logique d’individualisation, chaque participant peut recevoir une prestation particulière, mais pré-existante. Dans une logique de personnalisation, chaque participant va d’abord bénéficier de la souplesse de la prestation individualisée, mais pourra progressivement et stratégiquement, par les interactions avec son environnement, perturber, modifier et enrichir la formation prévue, en une formation vécue. C’est la mise en œuvre de la personnalisation qui permet d’ancrer, en formation des adultes, une logique de réponse à la demande, susceptible de modifier radicalement la posture des acteurs de la formation pour affirmer la capacité d’échanges, et donc d’intégration, de chaque apprenant. Ces valeurs fondent la spécificité des Ateliers de Pédagogie Personnalisée, d’autant plus qu’ils accueillent et forment préférentiellement des adultes peu qualifiés de tous statuts, y compris des salariés. Cependant, la situation actuelle du réseau national des APP fait apparaître des disparités dans le niveau et la qualité des prestations de formation. Pour diverses raisons, tous les APP n’ont pas la possibilité d’asseoir pleinement l’autoformation accompagnée sur ces deux socles !

 

Comme d’autres organismes de formation, tous les APP pratiquent la formation individualisée. En revanche, les APP ne mettent pas tous en oeuvre le même niveau de pédagogie personnalisée. Dans certains cas extrêmes, l’autonomie recherchée peut s’en trouver nettement affaiblie, voire contredite. L’approche trop mécanique de l’individualisation réduit la sphère d’autonomisation de l’apprenant en formation. L’autoformation peut devenir en partie factice. Inversement, de plus en plus d’APP poursuivent l’innovation dans le registre de la pédagogie personnalisée, en particulier, dans le champ de l’apprendre à s’autoformer.

 

Une deuxième difficulté porterait sur une instrumentalisation trop forte des APP à qui on confie des missions de plus en plus ciblées comme, par exemple, le passage du Certificat de Navigation sur Internet (CNI). Pour ce type de prestations, les équipes APP peuvent difficilement mettre en œuvre la pédagogie personnalisée, faute de temps. Pour ces apprenants, aujourd’hui minoritaires, la qualité du service rendu repose plus sur l’acquisition individuelle de savoirs juste à temps, que sur le renforcement des capacités d’apprentissage de la personne.

 

Enfin, le problème majeur pour certains APP est de recevoir un public qui n’est pas demandeur, et pour lequel la mise en place de la pédagogie personnalisée relève pratiquement de la mission impossible. L’APP n’est pas la solution miracle pour tous les apprenants ! Suite à des dysfonctionnements partenariaux non régulés dans les comités de suivi et d’orientation, des publics sans projet ou sans motivation réelle, se retrouvent inscrits à l’APP. Celui-ci apparaît alors, sur certains territoires, comme le dernier recours, ou bien, la solution de facilité. Certes, la mission principale des APP est d’accueillir et de former préférentiellement les publics faiblement qualifiés, mais à la condition expresse que durant la phase d’accueil et de positionnement, le coordonnateur ou la coordonnatrice de l’APP puisse s’assurer, a minima, que la personne est prête à s’engager dans une dynamique d’apprentissage nouvelle. Sans ce potentiel d’adaptation, ces personnes, si elles se retrouvent trop nombreuses dans un APP, déstabilisent l’activité de l’équipe de l’APP et peuvent perturber les services rendus aux autres apprenants. Au regard du cahier des charges, le coordonnateur, ou la coordonnatrice, a la responsabilité de signer, ou non, le contrat pédagogique.

 

Le devenir du réseau des APP reposera, en partie, sur sa capacité à renforcer, à faire reconnaître et à partager, ce savoir-faire spécifique : la double maîtrise de la formation individualisée d’une part, et de la pédagogie personnalisée, d’autre part. Ce double savoir-faire est le gage de la qualité de la prestation d’autoformation accompagnée proposée aux apprenants. En tant que tel, les APP occupent une place originale dans le paysage de l'insertion, de l'accès à l'emploi et de l'éducation permanente. Quand on nous demande de présenter, dans certains colloques ou manifestations, les APP et  leurs activités en trois minutes, nous répondons que l’exercice est difficile et reprenons alors les trois mots : rigueur, souplesse et imagination. Pour conclure cet article, nous pourrions les associer de la manière suivante : rigueur du côté de l’individualisation, imagination du côté de la personnalisation, et souplesse du côté de l’autoformation.

 

Jean Vanderspelden – Consultant ITG – Octobre 2004

 

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La construction des concepts fondateurs des APP

 

    Anne-marie Lucas et Serge Poirier publiaient en 1988 dans le numéro 100 de «l’Actualité de la Formation Professionnelle» un article intitulé : «Individualiser, personnaliser la formation, conditions de réussite». Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre avec ce titre, la teneur de cet article ne développe pas la partie «personnalisation» mais porte essentiellement sur la dimension organisationnelle liée à l’individualisation de la formation : approche modulaire, entrée et sortie permanentes, volume d’activité nécessaire pour mettre en place l’individualisation, offre de formation centrée sur l’apprenant, fonctionnement du centre de ressources, différents choix offerts, tableaux de bord prévisionnels, gestion flexible des ressources humaines mobilisées, instance de pilotage, etc… Aucun élément tangible n’est proposé sur la dimension personnalisation liée à la prise en compte de la demande propre à chaque apprenant. Loin d’en faire reproche, nous souhaitons simplement faire le constat que les deux notions étaient confondus ou bien que la notion de pédagogie personnalisée n’était pas une réelle préoccupation des années 1980-1990. Le premier texte significatif sur l’individualisation a été publié par l’ADEP en 1978 et concernait le «Compte-rendu du séminaire des responsables académiques, unités capitalisables, rythme variable et individualisation» - Ministère de l’Education nationale publié par l’ADEP. On peut aussi signaler en 1982, «L’individualisation de la formation professionnelle des adultes, un pas vers l’autoformation» dans la revue de l’AFP. En 1984, la notion de pédagogie personnalisée a été intuitivement mise en place dans les APP en 1984, mais sans être vraiment formalisée, mais plutôt «bricolée» avec les moyens du bord, d’où, peut-être le terme atelier ! Toutes les énergies étaient concentrées sur la dimension organisationnelle. La référence en la matière, reste le livret «Formation individualisée : fiches méthodologiques à l’usage des concepteurs et des formateurs» écrit par Christiane Cavet et Alain Mor en 1988[29]. On y trouve les repères pour une démarche d’individualisation : stratégie d’un demandeur de formation, dispositifs d’autoformation assistée, l’action du formateur, formation de formateurs et un regard sur les dispositifs de l’époque. La personnalisation n’est évoquée qu’à la marge, en particulier sur les nouvelles postures des formateurs pour l’accompagnement. En 1989, François Aballea et Catherine Froissart[30] proposaient un regard et une analyse sur «L’individualisation de la formation, effet de mode ou recherche d’une nouvelle rationalité» publié dans le cahier de l’EAO et de la formation continue n°240. Les auteurs mettaient en avant les logiques et les intérêts divergents entre le formé, le formateur et le décideur dans des dispositifs cherchant à individualiser à divers niveaux : concertation préalable formé-formateur, destruction du groupe, articulation nouvelle formé-savoir et nouveau mode d’évaluation. Là encore, l’approche rationnelle, par ailleurs nécessaire de l’individualisation, occulte une approche corrélative vue du coté de l’apprenant en générant quelquefois, et de manière contradictoire, «une certaine mécanisation de l’action pédagogique».

 

         En 1991, un article, rédigé par Didier Possoz et publié dans la revue AFP n°114, allait donner une vision plus ouverte pour les pratiques des APP. Le titre «Des expressions polysémiques : individualisation et personnalisation de la formation, essai de décryptage»[31] exprimait bien le sentiment de confusion régnant à cette période sur ces deux notions. L’auteur y distingue très clairement plusieurs niveaux : d’abord l’individualisation du projet et celle du parcours (le cadre), puis la formation individualisée (le mode d’accompagnement). Cette dernière regroupe l’itinéraire individuel, le plan individuel et l’individualisation des situations d’apprentissages. Malgré un titre évoquant un double analyse sur les deux notions, Didier Possoz développe essentiellement ses propos sur l’individualisation et en propose la définition suivante : «la formation individualisée est ici une démarche pédagogique centrée sur l’apprenant ; en guidance avec une attention particulière portée par un formateur, dans chaque domaine de formation, à la progression différenciée de chaque apprenant, à son mode d’appropriation du savoir, en lui proposant des médiations adaptées à son profil d’apprentissage ; en soutien, acte pédagogique qui consiste à concevoir et mettre en oeuvre les stratégies qui permettent d’amener un formé, de ses acquis aux objectifs visés, c’est-à-dire qui cherche en permanence à réduire le décalage éventuel entre ce que le formé réalise effectivement et ce qui est attendu de lui aux termes du contrat pédagogique qui a été passé.».

 

         Dans cette approche analytique, ce que Didier Possoz nomme à cette date «formation individualisée» va, de notre point de vue, nettement au-delà des autres définitions connues sur l’individualisation. Elle ne concerne pas l’individu tenu de faire des choix limités dans un système relativement souple et basé sur les similitudes des apprenants, mais la personne bénéficie, bel et bien, d’un accompagnement prenant en compte son vécu et sa singularité dans son rapport au savoir. Cette individualisation là fleure bon la personnalisation !

 

         La même année, Annie Mioche publiait un article, dans un dossier spécial du CLP (Comité de Liaison des Publics migrants et en difficulté d’insertion – www.clp.asso.fr) sur «L’individualisation» intitulé «L’interaction pédagogique personnalisée, approche systémique : les Ateliers Pédagogiques Personnalisés»[32]. Cet article propose une autre perspective sur cette dualité individualisation-personnalisation. Se plaçant dans une approche systémique, Annie Mioche ouvre et enrichit la problématique. L’individualisation concerne la définition des parcours et des accès, mais requiert aussi une stratégie du formateur face à une personne dans sa globalité. On touche ici la notion de personnalisation. L’auteur [33] propose certes de mettre en place et de conforter une formation individualisée centrée sur l’apprenant, mais aussi et surtout, de construire un environnement social dans lequel l’apprenant soit reconnu. Une dimension clé de la personnalisation serait d’articuler les principes d’altérité et d’interdépendance, pour répondre à une demande d’être. Pour travailler sur les conditions d’émergence d’autonomie, Annie Mioche s’appuie à la fois sur les théories du traitement de l’information, pour l’analyse des blocages en formation, et sur les théories ontogénétiques, pour la mise en oeuvre de stratégies de remédiation.

 

         Reprenant les travaux de l’unité de recherche du CRESAS (Politique pratiques et acteurs de l’Education) de l’INRP, pour ancrer la personnalisation dans les APP, Annie Mioche propose aux formateurs de travailler aussi sur les interactions apprenant-appreneur sur l’axe méta-cognition et l’axe méta-communication. «C’est à la construction de ces contrôles réciproques, de ces errances ensemble, dans les chemins de la communication que nous avons cherché à contribuer, en marquant par-là la distinction entre Individualiser la formation et personnaliser l’apprentissage. Cette double formulation m’évoque Albert Jacquard [34] qui distingue être vivant et être humain. Le jeu de l’humanitude, il en rappelle l’objectif  en matière d’éducation : faire  des êtres à éduquer, des acteurs de ce jeu magnifique. Dans ce jeu, la connaissance débute quand on parvient à se mettre d’accord par des contrôles mutuels et des vérifications et approximations successives.

 

C’est sous cet éclairage là, prenant en compte les interactions entre le contexte et l’apprenant en tant que personne, que la pédagogie personnalisée prend à nos yeux son relief spécifique : certes, elle se doit d’assurer la transmission de contenus et la construction progressive d’opérations intellectuelles ; bien sûr, il lui faut aussi prendre en compte les nécessaires particularités individuelles qui exigent la mise en place de parcours différenciés dans l’appropriation des contenus et l’élaboration des processus cognitifs ; mais la pédagogie personnalisée se doit d’intégrer ces dynamiques en les dépassant, en ce sens qu’elle n’a à se concentrer, ni sur les seuls contenus, ni même sur les seuls cheminements individuels des apprenants, mais sur les interactions complexes qui se jouent, de manière toujours renouvelée, entre, d’une part, les ressources des personnes (apprenant ET appreneur), et de l’autre, les contraintes et opportunités du contexte. La pédagogie personnalisée ne peut s’appuyer sur des objectifs de formation pré-établis qu’au prix de leur recadrage dans une logique du vivant».

 

Pour marquer une pratique de pédagogie personnalisée, Annie Mioche précise que «la reconnaissance précède la connaissance», que «la production de l’apprenant structure son activité et son activité structure son apprentissage; et enfin «la nécessité de diversifier les situations et les supports d’apprentissage».

 

A notre connaissance, aucun autre écrit sur les APP n’éclaire cette notion aussi fortement et permet aussi nettement ainsi la distinction entre individualisation et personnalisation. On passe du registre des moyens à celui des valeurs, le tout contextualisé dans la logique de la formation continue des adultes avec ses contraintes et ses règles.

 Jean Vanderspelden – octobre 2004

www.iapprendre.fr

Références

 

1) Individualisation  

 

 

- «Formation individualisée : fiches méthodiques à l’usage des concepteurs et des formateurs» – Livret écrit par Christiane Cavet et Alain Mor en 1988 – CAFOC de Lyon et publié par le CRDP de Lyon (édition épuisée).

 

 

- «L’individualisation de la formation» – Article écrit par François Aballea et Catherine Froissart pour le compte de la DPNT en 1989 et publié par le journal de la formation continue et de l’EAO en 1989.

 

 

- Etude bibliographique sur l’individualisation datée de 2003 CREFOR Haute Normandie :

www.crefor.asso.fr/ranfor/3/dossiers/individualisation/individualisation.pdf

 

 

         - «Individualisation ; actes du colloque de Sèvres organisé par l’ANFA les 14 et 15 mars 2002» Dossier collectif coordonné par Jean Kuperholc en 2002 et publié en interne par l’ANFA.

 

2) Individualisation/Personnalisation

 

 

         - «Individualiser, personnaliser la formation, conduite de réussite» - Article écrit par Anne Marie Lucas et Serge Poirier en 1988 et publié dans la revue AFP N°100

 

 

         - «Des expressions polysémiques ; individualisation et personnalisation de la formation, essai de décryptage» – Article écrit par Didier Possoz en 1991 et publié dans la revue AFP N°114

 

 

         - «L’interaction pédagogique personnalisée, approche systémique : les Ateliers Pédagogiques Personnalisés» – Article écrit par Anne Mioche en 1991 (CREDIJ Rouen) et publié dans la revue du CLP – Extrait : dossier spécial sur «L’individualisation» du CLP.

 

3) Autoformation 

 

 

         - «L’individualisation, entre l’hétéro et l’autoformation» – Article écrit par Gaston Pineau de l’Université François Rabelais de Tours et publié dans la revue «Recherche sur l’individualisation des programmes» –1992

 

 

         - «Formations médiatisées, compétences d’autoformation et construction de l’identité, le cas des APP» – Etude rédigée dans le cadre du programme d’initiative communautaire Euroform par Claude Debon-Thesmar, Roselyne Orofiamma et Richard Wittorski – Centre de recherche sur la formation – CNAM – 1995

 

         - «Pratiques d’autoformation et d’aide à l’autoformation» – Deuxième colloque européen sur l’autoformation du 6 et 7 novembre 1995 – Les cahiers d’études du CUEEP – N°32 & 33 – 1996

 

 

- «L’autoformation en APP ou les sept piliers revisités» - Article écrit par Philippe Carré de l’Université de Paris X en 2002 et publié dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart –  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – 2003.

 

- Bibliographie de 1994 à 2002 sur l‘autoformation :

Extrait de www.centre-inffo.fr/bib/motscles/AUTOFORMATION.html

 

4) Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée  

 

 

- «Guide repère pour la création et le développement d’un APP » – Alain Mor – Edition ADEP  IOTA+ – 1986 (édition épuisée)

  

- «Guide repère pour la gestion d’un APP » – Jac. Perraud – Edition ADEP/IOTA+ – 1988 (édition épuisée)

  

- «Autoformation et fonction de formateurs, des courants théoriques aux pratiques, les APP» – P Galvani – Chronique sociale – Lyon – 1991 (épuisée)

  

- «Les Ateliers Pédagogiques Personnalisés et les formations ouvertes» – Jean Vanderspelden – in «Les cahiers du CUEEP N°28» – USTL Lille  – 1994

  

- «Les APP ou l’autoformation accompagnée en actes » – Collectif dirigé par Philippe Carré et Michel Tétart – Edition L’Harmattan – 2003

  

- «Dispositifs d’autoformation accompagnée» – Ouvrage coll AF Bringer-Trollat, N Even & DiPaquelin. – Educagri Editions – Col «Transversale» – 2003. 


- «Les Ateliers Pédagogiques Personnalisés et les formations ouvertes» – Jean Vanderspelden – in «Les cahiers du CUEEP N°28» – USTL Lille  – 1994


- «Les tribulations de Gianni en APP» – Collectif dirigé par Frédéric Haeuw – Centre Inffo – Collection regard sur la formation – 2004


- «Pratiques de formation distante en APP» – J Vanderspelden – in «Actualité de la Formation Permanente N°193» –  2004

 

- «APP : individualiser n’est pas personnaliser ou apprendre à s’autoformer» – Jean Vanderspelden – in «AFP N°194» – Centre Inffo – Paris - 2005


[1] Le sigle APP (Atelier de Pédagogie Personnalisée) a été déposé à l’INPI en 1998 par la Délégation Générale à l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DGEFP) lors de l’ouverture du site national des APP www.app.tm.fr

 

 

[2] «Bientôt vingt ans d’histoire d’APP» – chapitre II rédigé par Jacques Perraud dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart –  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

 

[3] Analogie dans une logique consumériste avec, par exemple, les prêts bancaires dits personnalisés.

 

 

[4]  http://app.algora.org/present/cahierdescharges.asp

 

 

[5]  http://app.algora.org/outils/synthese_nationale_fondamentaux_app.doc

 

[6] Nous remarquons que depuis 2002, le terme de personnalisation réapparaît dans des textes officiels, sans forcement être associé à la pédagogie : «Accord National Interprofessionnel» sur la formation tout au long de la vie avec une logique de co-responsabilité ou «Le rapport de la commission Thélot» sur la réforme de l’Education Nationale avec les apprentissage personnalisés, par exemple.

 

 

[7] Nous en profitons aussi pour lancer un appel à toute personne qui serait intéressée à alimenter cette réflexion ou à reprendre le flambeau de l’analyse de la notion de «pédagogie personnalisée» !

 

 

[8] Etude bibliographique sur le concept d’individualisation datée de 2003 CREFOR de la région de Haute Normandie : www.crefor.asso.fr/ranfor/3/dossiers/individualisation/individualisation.pdf

 

 

[9] Bibliographie de 1994 à 2002 sur l‘autoformation : extrait de www.centre-inffo.fr/bib/motscles/AUTOFORMATION.html

 

 

[10] Voir Etat des lieux sur les outils et ressources multimédias, hors en ligne et en ligne, dans le champ de l’«apprendre à apprendre» réalisé par Algora en décembre 2003 http://ressources.algora.org/ressources/etatdeslieux/sommaire

 

 

[11] Grégory Bateson – la nouvelle communication. Dans la théorie batesonienne de l’apprentissage, quatre niveaux sont identifiés : le niveau 0 de l’apprentissage par simple réception d’une information, le niveau 1 des apprentissages par réaction réflexe et le niveau 2 par deutéro-apprentissage où l’on met en évidence une capacité d’apprendre à apprendre en percevant et en assimilant par essai et erreur. Bateson repère un apprentissage de niveau 3.

 

 

[12] Lire le journal interne de l’animation régionale des APP du Nord-Pas-de-Calais CQFD N°5 d’avril 2004 sur le thème «Apprendre à apprendre ou comment faire sauter les verrous ?» - Disponible au format .pdf sur : http://app.algora.org/present/lettre_hn/lettre_npdc_5.pdf

 

[13] «Pratiques et compétences des formateurs en APP» – chapitre VII rédigé par Frédéric Haeuw dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart –  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

[14] Voir les pratiques de la gestion mentale en APP : exemple de l’APP d’Angers – Pays de la Loire – bulletin des APP N°46 de septembre 2001 «spécial méthodologie d’apprentissage en APP» ou directement  http://app.algora.org/reseau/bulletins/pdf/methodo46.pdf

 

[15] «Des expressions polysémiques : individualisation et personnalisation de la formation, essai de décryptage»

 

 

[16] citant Alain Ackermans et Maurizio Andolfi  «La création du système thérapeutique» - Edition ESF Paris 1987 – pp 158-159 dans «Travailler sur des pratiques de formateur en Atelier de Pédagogie Personnalisée» - Formation-action exploratoire de l’APP de Rouen – Juin 2004.

[17] «L’apprentissage collaboratif :coopérer pour apprendre, apprendre à collaborer» - Article signé Nicolas Deguerry et publié dans Inffo Flash N°645 suite à la 3ème journée du FFFOD en octobre 2004 animée par Eric Goyard et Valérie Hellouin. Article disponible sur http://ressources.algora.org 

 

 

[18] «Autoformation et fonctions de formateurs, des courants théoriques aux pratiques des formateurs, les APP»Pascal Galvani – Chronique sociale – Lyon – 1991 (édition épuisée).

 

 

[19] «Des machines et des APP ou les TIC au service de la pédagogie : individualisation et personnalisation» – chapitre VI rédigé par Jean Vanderspelden dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart –  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

 

[20] Dès les années 1990, Philippe Carré a croisé et travaillé avec le réseau des APP (Région Languedoc-Roussillon et Nord-Pas-de-Calais, en particulier). L’intégralité d’une interview de Philippe Carré réalisée par Algora en 2002 est disponible sur le site des APP www.app.tm.fr dans la rubrique «Paroles d’experts» ou directement à l’adresse http://app.algora.org/reseau/ressources/paroles/experts/carre.asp

 

 

[21] Article extrait du livre  «L’autoformation en APP ou les sept piliers revisités» – chapitre VIII rédigé par Philippe Carré dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart – «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

 

[22] Le premier pilier porte sur «le projet individuel » comme fondation majeure de l’entrée en formation. Le second pilier, soutenant l’édifice de l’autoformation, fait référence au  «contrat pédagogique», clé de la négociation. Le cinquième se centre sur «un environnement ouvert de formation». Enfin, le septième vise «trois niveaux de suivi».

 

[23] Enseignement préparatoire en vue d’étude plus approfondie – Extrait du dictionnaire «Le Robert». 

 

 

[24] Article extrait du livre «L’autoformation et enseignement supérieur» – collectif dirigé par Albéro B. – Hermès / Lavoissier» – 2003. L’intégralité de cet article est disponible sur le site de Jacques Rodet http://jacques.rodet.free.fr/biblios.htm 

 

 

[25] «Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie» – Monique Linard, professeur émérite Université Paris X Nanterre – Extrait  Autoformation et enseignement supérieur» – Hermès Lavoisier.

 

 

[26] Voir article extrait du livre  «Les APP vingt ans après, impact et perspectives» – chapitre X rédigé par Philippe Morin dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart – «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

 

[27] «L’interaction pédagogique personnalisée, approche systémique : les Ateliers Pédagogiques Personnalisés». En ligne sur le site Internet des APP : www.app.tm.fr – rubrique «Paroles d’experts»

 

 

[28] en s’appuyant sur les théories «développementale» et constructiviste de Piaget, socio-culturelle et interaction-niste de Bruner et Vygoski et l’analyse sociologique et anthropologique de Habermas.

 

[29]  Edité par le CAFOC de Lyon et publié par le CRDP de Lyon. Document aujourd’hui épuisée.

 

 

[30] Dans le cadre d’une mission suite à une mission pour la DPNT.

 

[31] L’intégralité de cet article est disponible sur le site des APP www.app.tm.fr dans la rubrique «Paroles d’experts» ou directement à l’adresse http://app.algora.org/reseau/ressources/paroles/experts/experts.asp

 

 

[32] L’intégralité de cet article est également disponible sur le site des APP www.app.tm.fr dans la rubrique «Paroles d’experts» ou directement à l’adresse http://app.algora.org/reseau/ressources/paroles/experts/experts.asp

 

 

[33] En s’appuyant sur une recherche-action «Appreneurs apprenant» financée par la DRFP de Haute Normandie, dans le cadre d’une mission d’animation régionale des APP de Haute Normandie.

[34] Dans son ouvrage «L’équation du nénuphar»* Albert Jacquard nous offre une définition de la «personne humaine». Cette définition éclaire les registres liés respectivement à «l’individu» et celui lié à «la personne», appliqué à l’éducation. Albert Jacquard développe sa vision humaniste via la découverte des sciences, leur évolution et leurs enjeux, en particulier dans une logique de justice sociale :

 

 

«Qu’est-ce qu’une personne humaine ? La réponse est nécessairement arbitraire mais la science, et non la technique, permet d’en préciser les termes. Il paraît raisonnable d’admettre que cette personne est l’aboutissement d’un processus qui débuté par la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde ; des mécanismes génétiques identiques à ceux qui sont à l’oeuvre pour toutes les espèces sont ensuite intervenus et ont réalisé un individu, entièrement défini dès son origine par les informations génétiques qu’il a reçues. Puis, cet individu a été plongé dans une collectivité humaine, et celle-ci a fait émerger en lui la conscience d’être ; c’est le contact avec cette communauté qui a transformé cet objet en un sujet, cet individu en une personne. Cette métamorphose, propre à notre espèce, est réalisée par des échanges: ils sont la clé du mystère humain. Eduquer, c’est donc initier au jeu des échanges…»

 

 

L’individu, unique génétiquement parlant, serait donc un être vivant, sans lien ou considéré sans lien. Une personne serait un être humain avec des liens, socialement et culturellement parlant, le rendant singulier. Prendre en compte la personne, avec la richesse de ces interactions sociales, serait donc plus impliquant, mais aussi plus prometteur, que la gestion d’un individu, dissocié du groupe, dont on ignorait, partiellement ou non, volontairement ou non, une dimension relationnelle incontournable. La part d’irréductible de la personne est ici affirmée : l’humanité.


* «L’équation du nénuphar ou les plaisirs de la science» – Albert Jacquard – Le livre de poche – 2002 – www.lelivredepoche.com A noter aussi, une vidéo en ligne disponible sur le site www.canal-u.education.fr  – Chaîne : «Profession formateurs» – Canal «Les images de la FOAD» – Rubrique : «Témoignages d’acteurs» sur une intervention d’Albert Jacquard à l’Université de Nantes sur l’apprentissage sur «Education, l’art de la rencontre».

Centre de ressources en APP pour «apprendre à s’autoformer»

2006 - Jean Vanderspelden - Algora

Centre de ressources en APP pour «apprendre à s’autoformer»

 

 

 

        Le centre de ressources est la «clé de voûte» de l’Atelier de Pédagogie Personnalisée (APP) dans la mesure où il constitue le lieu principal dans lequel se déroule l’action de formation. Le projet pédagogique d’un APP repose sur la mise en œuvre, sans cesse ajustée et enrichie, du triptyque «individualisation, personnalisation et autoformation». Pour prendre en compte cette triple dimension, le fonctionnement durable d’un centre de ressources, au cœur de l’activité de l’APP, est un incontournable. Il est d’ailleurs stipulés en tant que tel dans le cahier des charges national des APP[1] qui en donne la définition suivante :

 

 

… est un lieu doté de moyens techniques, humains et de ressources multiples, sur des supports diversifiés, organisées de façon à permettre un accès libre mais guidé, aux sources du savoir. Il doit permettre aux personnes en formation de gérer, elles-mêmes, des temps d’apprentissage en autonomie. Son organisation doit favoriser les échanges et les prises d’initiative des apprenants. Les modalités de classification et les règles d’usage doivent être explicites (support écrit, module «APP mode d’emploi»,…). Il est composé de livres, fichiers, livrets d’auto-correction, annales, dossiers thématiques, dictionnaires, vidéogrammes, ressources numérisées en ligne ou hors ligne,…(extrait du glossaire annexé au cahier des charges des Ateliers de Pédagogie Personnalisée).

 

 

 

     Pour proposer aux apprenants une dynamique, originale et pérenne, d’autoformation accompagnée, l’équipe de l’APP conjugue, simultanément dans un espace-temps, ouvert et organisé autour du centre de ressources, les principes de l’individualisation de la formation (1 : cadre de la formation en parcours individuel) et de la pédagogie personnalisée (2 : mode d’accompagnement de la formation).

 

        En l’absence de centre de ressources, cette logique d’action à trois niveaux, spécifique aux APP, ne nous semble pas pouvoir s’installer durablement.

        

        La logique d'individualisation (bloc 1) concerne potentiellement tous les apprenants. Elle vise à leur faire bénéficier d’une formation qui répond aux mieux à leur besoin et à leur projet et qui s’ajuste au mieux à leur contrainte. A partir de là, l’équipe de l’APP installe la logique de personnalisation (bloc 2) qui s'emboîte de telle manière à prendre en compte les spécificités de chaque apprenant. La jointure entre ces deux blocs représente l'ajustement fait par l'équipe de l'APP dans l'accompagnement. Chaque apprenant peut alors s'appuyer sur cette construction stable, pour bénéficier d’une co-prestation d'autoformation accompagnée (bloc 3). En rassemblant ces deux blocs (1 + 2) distincts et complémentaires, le principe d’autoformation accompagnée (3) s’est imposé en vue d’atteindre l’autonomie de l’apprenant dans son apprentissage.

 

        L’ingénierie pédagogique mise en oeuvre dans les APP repose sur cinq situations pédagogiques complémentaires : «positionnement de début» (5%), «autoformation accompagnée (61%)», «travail en petits groupes» (17%), «atelier thématiques permanents transversaux» (15%), et enfin, «positionnement de fin de contrat» (2%). Ces pourcentages proviennent du suivi cumulé des tous les APP en 2004 qui renseignent, dans les statistiques mensuelles, la répartition des situations vécues par les apprenants. Cette ingénierie repose en partie sur le fait que le centre de ressources va assurer la souplesse nécessaire pour rendre cohérent l’ensemble de cette ingénierie de formation propre aux APP. Cette souplesse prend différentes formes.

 

Centre de ressources comme message fort d’incitation à «apprendre autrement»

 

        Le centre de ressource donne un sens à l’organisation de l’individualisation de la formation. En plus de la signalisation et l’affichage, l’espace géographique du centre de ressources constitue à lui seul un message visuel qui va interpeller tous les nouveaux arrivants à l’APP. A côté des salles classiques de formation pour les regroupements des ateliers thématiques, cette grande salle, installée et équipée dans la logique d’une bibliothèque ou d’une médiathèque, montre clairement que l’APP n’est ni l’école, ni un organisme de formation classique. La salle de classe a perdu une partie de son monopole ! Les représentations des adultes, sur le savoir et ses modes de transmission forgés durant leur passé scolaire, sont toujours présentes ! La découverte progressive, par chacun des apprenants, que l’on peut apprendre ensemble, dans un même lieu et avec des contenus différents, constitue souvent un étonnement et un déclic ! Ce choc est la première concrétisation du fait que la formation sera individualisée, à la mesure des besoins de chacun. Pour autant, la dimension collective est bien présente et nécessaire dans les pratiques APP. L’oscillation entre des temps d’apprentissage collectifs (dans une salle classique de formation) et de temps d’apprentissage individuel (en centre de ressources, essentiellement) constitue l’une des caractéristiques majeures de l’ingénierie de formation ouverte des APP.

 

Centre de ressources comme espace d’échanges, de convivialité et de reconnaissance

 

La deuxième découverte qui marque toujours les nouveaux arrivants, est la mixité des publics présents dans ce même lieu, et aussi, leurs facultés à échanger pendant et à côté des temps de formation (pauses ou rencontres lors de l’entrée et de sortie d’APP). L’espace du centre de ressource génère de la relation. Il participe ainsi à la logique de personnalisation. Le centre de ressources est un lieu de reconnaissance, pour chaque personne présente, par le simple regard des autres, et aussi, par les échanges induits. Sans ce lieu identifié et organisé, les rencontres apprenants-apprenants, de niveaux et de statuts différents, ne pourraient pas prendre corps. L’échange réciproque de savoir est l’un des vecteurs d’aide au partage et à l’appropriation de connaissances. Ces échanges sont aussi des activités structurantes pour les apprenants qui guident et aident leur compagnon d’apprentissage. En plus des médiations principalement assurées par les formateurs, d’autres modes de régulation s’organisent dans le centre de ressources. Dans ce même lieu, une personne, préparant un concours administratif, donne un coup de main à une mère de famille qui vise l’entrée dans une formation qualifiante; une retraitée s’initiant à Internet accompagne une personne, en situation de recherche d’emploi, en mathématiques; le salarié se formant à la bureautique conseille un européen, suivant une formation FLE, dans ces démarches ; une jeune femme, s’entraînant en anglais, explique le fonctionnement de Windows à un artisan ; un agriculteur bénéficie de l’aide en comptabilité d’un fonctionnaire s’initiant à Internet, etc… La ressource est aussi humaine. Trop souvent, l’école porte l’idée de la performance individuelle, même si les «Itinéraires De Découverte» dans les collèges, les «Travaux Personnels Encadrés» dans les lycées ou les «Projets Personnels à Caractère Professionnel» dans les lycées techniques, constituent des avancées réelles et fertiles. Dans le centre de ressources, la compétition n’existe quasiment pas et contribue à diminuer la tension ressentie par une majorité de personnes ayant vécu des échecs dans leur passé. Le centre de ressources est d’abord un lieu d’échanges autour du savoir et des connaissances. Pour Albert Jacquard[2], «Eduquer, c’est initier au jeu des échanges…».

 

Centre de ressources pour une production d’initiative, vers la dynamique d’autoformation

 

        La première idée des pionniers à qui l’on doit la création des APP, fut qu’il était préférable de proposer à des jeunes en difficulté d’insertion des «lieux ressources» pour des attentes plus fructueuses. Dans l’objectif de profiter de ces «sas», la question pré-supposée de l’autonomie est alors apparue. Le fonctionnement autour d’un centre de ressources permettait d’envisager mode d’accès nouveau et ouvert aux outils d’apprentissage. Pour aider ces jeunes, puis les adultes, plutôt faiblement qualifiés, à être plus autonomes dans leur capacité d’insertion sociale et professionnelle, et donc de retour vers l’emploi, la seconde hypothèse fut que ces lieux ressources devaient viser à renforcer d’abord leur autonomie dans l’apprentissage. Didier Possoz dans un article «Des expressions polysémiques : individualisation et personnalisation de la formation, essai de décryptage»., publié en 1991 et repris sur le site internet des APP, proposait la définition suivante : «L’autonomie peut être ici définie comme le degré maximum sur l’échelle d’(in)dépendance de l’apprenant par rapport au détenteur du savoir (le formateur), du moins dans la capacité de l’apprenant à choisir et utiliser lui même les ressources mises à sa disposition pour définir son projet, tracer et suivre son itinéraire, s’approprier savoir et savoir-faire et évaluer ses acquis». Dans un article publié sur le site des APP, Annie Mioche ajoute que la capacité de l’apprenant «à passer de «la contrainte d’être», à «la permission d’être», puis à celle de la «possibilité d’être», pour se soustraire librement aux conditionnements d’autrui». Redéfinissant le concept d’autonomie entre «réflexe & réflexion», Monique Linard précise, dans son livre «Autoformation, éthique et technologies : enjeux et paradoxes de l’autonomie» que «l’autonomie est un concept circulaire complexe qui permet à la fois l’autorégulation fonctionnelle, et aussi, l’expression d’une conduite intentionnelle». L’auteur montre les tensions inévitables de tout dispositif d’autoformation qui ne prend pas suffisamment en compte la complexité des processus d’auto-régulation et d’auto-organisation nécessaires aux apprenants.

 

        Dans le centre de ressources se joue la question centrale de la bonne prise de distance par rapport aux formateurs. Pour qu’il y ait effectivement autoformation, l’apprenant doit pouvoir conquérir progressivement son propre espace d’apprentissage pour mieux s’ouvrir[3] sur le monde extérieur. Ce processus passe par une succession d’étapes singulières à chaque apprenant. L’accès direct, sur préconisation ou non, aux ressources formatives (dossiers d’auto-apprentissage) et la possibilité de mobiliser de nouvelles ressources, diversifiées en terme de contenus (français, maths, sciences, monde actuel, langue, comptabilité, bureautique ou Internet) ou de supports (livres, fichiers, livrets d’auto-correction, annales, dossiers thématiques, dictionnaires, vidéogrammes, ressources numérisées en ligne ou hors ligne) sont autant de marques d’initiatives qui concrétisent l’autonomie dans les apprentissages. Ayant bénéficié d’une prestation du type «APP mode d’emploi» et de l’accompagnement des formateurs, les apprenants «consomment» le centre de ressources avec de plus en plus de facilité et d’efficacité, au fur et à mesure de l’avancement de leur parcours d’autoformation[4]. Cela se traduit par une mise en mouvement physique des personnes. En arrivant, ils prennent d’abord connaissance de leur dossier avec les dernières corrections, consignes et propositions de leurs formateurs, se lèvent pour accéder à un dossier, vont chercher une ressource, l’utilisent, en changent, l’exploitent, jettent un œil sur le travail d’un autre apprenant, sollicitent une aide, échangent avec leur voisin, prennent des notes, rangent la ressource, rendent leur production aux formateurs, complètent leur dossier personnel, émargent avant de quitter le centre de ressources, et enfin, discutent avec d’autres apprenants autour de la machine à café. Le respect du travail d’autrui et les limites de confidentialité dans les échanges imposent naturellement une ambiance feutrée.

 

      Parallèlement, la fréquence des relations apprenant-formateur diminue et leur nature évolue ! Avec la médiation du formateur, l’apprenant est de plus en plus capable de s’auto-réguler dans sa progression en mobilisant, soit ses propres compétences, soit celles des autres apprenants, à défaut de rester dépendant de celles des formateurs facilitateurs. Dans une posture stratégique de retrait progressif, les formateurs rendent possible, dans le centre de ressources, la concrétisation de l’autonomie dans l’apprentissage, objectif premier des APP. A ce titre, on pourrait dire que les APP sont plutôt dans la sphère «apprendre à s’auto-former», plutôt que la sphère «apprendre à apprendre», stricto sensu.

 

Centre de ressources espace de rationalisation, de mutualisation et de souplesse

 

      Cette souplesse requiert beaucoup de rigueur et une dose d’imagination ! Pour qu’un centre de ressources pédagogiques résiste aux inévitables tendances chaotiques, son fonctionnement doit reposer sur des bases solides collectivement partagées, d’abord au sein de l’équipe de l’APP, ce qui sous-tend que l’APP a eu le soutien et les moyens de son organisme porteur pour initier et installer cette logique, mais aussi, et surtout avec les apprenants. La mise en place d’un centre de ressources est forcément anticipée, progressive et structurante. Elle résulte de l’élaboration d’un projet pédagogique collectif où chaque acteur va devoir définir et assumer une mission en résonance avec les exigences et les vertus du centre de ressources dans la vie quotidienne de l’APP[5]. Le centre de ressources vise une rationalisation flexible pour une logique de gestion partagée des ressources. Ce lieu est organisé, animé, structuré et entretenu pour permettre la production, le recueil et le partage des ressources.. Les formateurs ont un rôle nouveau à jouer d’abord pour initier le fond des ressources en alimentant (cours, fiche pédagogique, notice, référence, etc…) et aussi pour inciter les apprenants à entrer dans cette dynamique. Pour illustrer ce point, il suffit de signaler que certains apprenants, après avoir passés avec succès un concours ou un examen, reviennent à l’APP en apportant le sujet et sa correction au profit des futurs apprenants.

 

     Dès les années 1986, l’équipe de l’APP du Creusot a mis en place une ingénierie documentaire adaptée aux besoins spécifiques des APP. En 1990, l’APP du Creusot a publié, avec l’      appui de la DRFP, du Conseil Régional de Bourgogne et IOTA+, un guide repère portant sur la «Démarche documentaire en APP», aujourd’hui épuisé. Pour répondre aux besoins, l’APP du Creusot propose des modules de formation pour «monter, gérer et animer un centre de ressources dans un dispositif d’autoformation assistée[6]». Les techniques de la gestion documentaires y sont présentées pour que les ressources soient le plus directement et le plus efficacement accessibles aux apprenants dans les limites de la gestion immanquablement collective : plan de classement, suivi des documents, procédures d’actualisation, système de cotation et d’indexation, mise en place d’une signalétique avec éventuellement des codes couleurs et élaboration de fiches didactique et thématique et organisation spatiale. Avant de mettre en place ces techniques documentaires, une phase préalable de ré interrogation des rôles de chacun et des conditions d’une mutualisation, dans une approche systémique de l’activité de l’APP est souvent incontournable.

 

Centre de profit, de cohérence économique, pédagogique & d’articulation des temps

 

     L’action de l’APP est un tout : humain, pédagogique, partenarial, territorial et financier. L’APP génère de la relation humaine, et produit de l’autonomie. Comme toute production de biens ou de services, cette activité est soumise aux contraintes de gestion du temps, des compétences et des financements. Ceci est d’autant plus vrai que la qualité du service rendu dépend aussi de la qualité de l’implication du client dans ce processus ! Avec le soutien du comité d’orientation et de suivi, et sous l’autorité de l’organisme porteur, le coordonnateur de l’APP a la responsabilité déléguée de la mise en oeuvre du projet pédagogique de l’APP et du suivi financier.

 

        Pour atteindre l’équilibre financier, le fonctionnement du centre de ressources pédagogiques est une nécessité dans la mesure où il va permettre de générer des heures d’autoformation. Le centre de ressources produit des heures d’autoformation individualisée en autonomie. Sur ces temps d’autoformation, l’implication de l’équipe de l’APP diminuera en fonction de l’avancement des parcours de chacun des apprenants. Le modèle financier[7] d’un APP repose donc, en partie et pour chaque bénéficiaire, sur le fait qu’un apprenant sera de moins en moins dépendant de la présence continue des formateurs. Il développe, au sein du centre de ressources, ses capacités d’autonomie. C’est la logique même de la pédagogie personnalisée dans les parcours de formation individualisée. L’alternance ajustée des temps de formation en groupe et des temps de formation individuelle, avec un accompagnement modulé, est non seulement une nécessité pédagogique, mais aussi, un mode de gestion qui assure une viabilité économique  pour la stabilité et le développement de l’activité de l’APP. La pression est quelquefois forte, de la part de l’organisme porteur ou des partenaires, pour que la vision purement économique prenne en partie le pas sur la vision systémique de l’APP. Dans ces cas, il peut arriver que le centre de ressources soit utilisé à contresens pédagogique où des apprenants, face à des machines,  se trouvent dans l’illusion d’un apprentissage que médiatisé.

 

Le centre de ressources pédagogiques et le cahier des charges national des APP[8]

 

Extrait :


«L’activité pédagogique de l’APP est organisée autour d’un centre de ressources pédagogiques, conçu et animé par l’équipe pédagogique. Il permet aux personnes d’accéder, avec la médiation du formateur, aux contenus nécessaires à l’atteinte des objectifs prévus dans le contrat pédagogique personnel.

 

Le centre de ressources pédagogiques comprend des livres, des fichiers, des classeurs, des logiciels, des vidéos, des exercices auto-correctifs dans le champ des domaines de l’APP. Les outils et les ressources peuvent être acquis dans le commerce, conçus en tout ou en partie par l’équipe pédagogique, provenir des activités d’échanges et de mutualisation développées dans le cadre du réseau des APP. Il dispose des équipements informatiques et des accès à Internet dédiés à la formation.

 

         L’APP doit définir un mode de classification et d’accès aux documents permettant la libre utilisation du centre de ressources pédagogiques par les personnes fréquentant l’APP. L’APP doit consacrer le temps nécessaire pour expliquer aux personnes amenées à l’utiliser le fonctionnement du centre de ressources pédagogiques et les modalités de son utilisation».

 

         Le centre de ressources pédagogiques peut être, en partie, extérieur aux locaux de l’APP ou des antennes territoriales ou institutionnelles. L’APP est invité à nouer des partenariats avec les organismes ayant développés des outils et ressources accessibles à distance.

 

Centre de ressources immanquablement multimédias

 

Les domaines d’intervention des APP portent sur la culture générale et la culture technologique de base. Au fur et à mesure du large développement des usages des nouvelles technologies dans notre société, lié à la numérisation et aux échanges de l’information, les APP ont répondu à deux types de demande de formation : initiation à Internet et acquisition d’une culture bureautique. Les APP permettent aux adultes, à la fois, de savoir communiquer, de savoir produire et de savoir apprendre avec un micro-ordinateur en réseau, et aussi, de pouvoir communiquer, de pouvoir échanger et de pouvoir apprendre. Les NTIC sont, en même temps, un objet d’apprentissage et un vecteur d’acquisition de nouvelles connaissances. A ce double titre, le centre de ressources d’un APP ne peut faire l’impasse sur l’usage des ressources multimédias numérisées qu’elles soient hors ligne (cédérom ou dévédérom) ou en ligne (Internet). Cette tendance a été amplifiée d’une part, par la généralisation accélérée des connexions à haut débit de type ADSL sur l’ensemble du territoire, et d’autre part, la numérisation des ressources pédagogiques conçues, mutualisées ou acquises par les équipes des APP[9]. Par ailleurs, les centres de ressources des APP sont de lieux où de nombreuses personnes passent le CNI[10] (Certificat de Navigation sur Internet), première certification dans l’usage des NTIC. Le centre de ressources multimédias est un outil de réduction de la fracture numérique.

 

Le centre de ressources peut être, en partie, délocalisé, virtualisé ou numérisé pour un usage à partir d’une antenne APP, d’un Point d’Accès à la Téléformation, ou de tout autre lieu où l’apprenant peut se connecter, y compris le lieu de travail ou le domicile. Autour du centre de ressources virtuelles, et souvent en partenariat avec d’autres prestataires complémentaires, les APP mettent en œuvre deux logiques : les formations ouvertes avec une médiation distante (visiophonie) ou une formation ouverte avec des ressources distantes (plate-forme ou portail de téléformation), avec tout le panachage possible de ces deux solutions. Dans tous les cas, une partie des consignes et des matériaux d’apprentissage est directement accessible à l’apprenant indépendamment du lieu eu du temps de connexion. Cela ouvre de nouvelles possibilités de parcours d’autoformation accompagnée pour les APP. L’exemple de l’intégration progressive des ressources vidéos et numérisées de TFS (TéléFormation et Savoirs www.tfs.afpa.fr) en est un bon exemple.

 

Entre principe et réalité : quelques contradictions

 

        Dans un APP, le centre de ressources est quelquefois «dispersé», soit pour des raisons spatiales (locaux pas «suffisamment adaptés»), soit pour des raisons organisationnelles. Certains centres de ressources sont constitués de mini-centres par matière ou par formateur. Cet éclatement n’est pas forcement propice à la logique de centration et d’accompagnement de l’activité de l’apprenant. Dans certains cas, le statut des formateurs ne les encourage pas à pousser la dynamique d’autoformation jusqu’au «bout». Certaines conditions de rémunération incitent les formateurs à constituer trop systématiquement des «groupes identifiés» dans lequel il organise une logique d’autoformation, à dimension plus ou moins collective, mais peu souvent dans le centre de ressources. Le fait qu’un apprenant se retrouve temporairement seul dans le centre de ressources, est concrètement vécu, dans une partie des APP, comme une mise en chômage technique des formateurs. Cet état de fait nie le caractère pluriel des missions du formateur d’APP en tant que facilitateur, et non pas, uniquement transmetteur. Ces missions ne sont pas systématiquement liées aux situations de face à face pédagogique au sein des ateliers thématiques. En plus des fonctions d’accompagnement, d’évaluation et de guidance individuel, les formateurs assurent de la correction, de la préparation, de la veille, de la création ou d’adaptation de ressources pour l’autoformation. Dans un APP, l’apprenant peut, et doit, apprendre sans la présence continue du formateur et le formateur devrait disposer d’un temps significatif pour développer l’ingénierie liée à l’autoformation (veille organisationnelle, partenariale, pédagogique, et autres).

 

        La réalité se charge aussi de nous rappeler que la dynamique d‘autoformation se heurte quelque fois à des comportements d’adultes passifs. Le statut de consommateur, qui sous-tend l’activité notre société d’hyper-consommation, ne favorise pas toujours les initiatives de prise en charge des personnes en formation. Il s’agit là d’un point clé qui exclut, de la sphère APP, une part de plus en plus importante de la population adulte, sauf si un travail en amont dans l’APP ou en partenariat sur les conditions de l’apprenance[11], est mené avec eux. L’APP n’est pas la solution miracle pour toutes les personnes faiblement qualifiées.

 

        Sans un partage des fondamentaux de l’autoformation entre APP et organisme porteur, et sans un projet collectif, il paraît difficile de mettre en oeuvre une logique forte d’implications des apprenants dans cette dynamique de prise d’initiatives dans le déroulement de leur parcours d’autoformation. Le centre de ressources «idéal» n’est pas forcément constitué d’une multitude d’outils et de ressources. Il pourrait plus résulter d’une réflexion et d’une organisation qui facilitent et organisent le partage des pouvoirs et des devoirs entre apprenants et formateurs. C’est à ce titre que l’on pourrait parler plus d’un centre pédagogique de ressources que de centre de ressources pédagogiques. 

Jean Vanderspelden – Janvier – 2006 Algora

jean.vanderspelden@app.tm.fr



[1] Circulaire DGEFP N°2004/030 du 30 novembre 2004 relative au cahier des charges national des Ateliers de Pédagogie Personnalisée. Ce document est accessible sur le site national des APP : www.app.tm.fr

 

 

[2] Voir «L’équation du nénuphar ou les plaisirs de la science» – Albert Jacquard – Le livre de poche – 2002 – www.lelivredepoche.com A noter aussi, une vidéo en ligne disponible sur le site www.canal-u.education.fr  – Chaîne : «Profession formateurs» –  Canal «Les images de la FOAD» – Rubrique : «Témoignages d’acteurs» sur une intervention d’Albert Jacquard à l’Université de Nantes sur l’apprentissage sur «Education, l’art de la rencontre».

 


[3] Voir séquence vidéo en ligne sur Internet «Espace ouvert de formation - APP de Nancy  disponible sur le site www.app.tm.fr - rubrique : «Les APP en images»  extrait  de la série diffusée via Canal-U «Les images de la FOAD» – Rubrique : «Réseau des APP» - Algora, CESI, Université de Nantes et de Nancy II avec le soutien du FSE


[4] Voir séquence vidéo en ligne sur Internet «Autoformation  - APP du Baugé»  disponible sur le site www.app.tm.fr - rubrique : «Les APP en images»  extrait  de la série diffusée via Canal-U «Les images de la FOAD» – Rubrique : «Réseau des APP» - Algora, CESI, Université de Nantes et de Nancy II avec le soutien du FSE.

 

[5] «Ressources et moyens en APP ou les outils de formation, l’organisation et la vie quotidienne dans un APP» – chapitre IV rédigé par Blandine Thion dans l’ouvrage coordonné par P. Carré et M. Tétart –  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» – L’Harmattan – Collection «Savoir et formation» – Janvier 2003.

 

 

[6] Voir Dossier «Autoformation et centre de ressources» publié dans le bulletin des APP N°55 accessible direc-tement en ligne à l’adresse : http://app.algora.org/reseau/bulletins/pdf/bulletin55.pdf

 

 

[7] Avec l’aide du GIP Qualité de la formation, les APP de Poitou-Charentes ont développé une démarche et des outils de simulation. L’ensemble fait avancer la réflexion et propose des moyens pour mieux appréhender les coûts réels de la formation en APP. Ces documents sont accessibles sur le site : www.gip-qualiteformation.fr - rubrique «Travaux régionaux»  - sous-rubrique «Comment évaluer le coût d’une action de formation ? Modèle développé par les APP de Poitou-Charentes».

 

[8] http://app.algora.org/present/cahier.pdf

 

[9] Voir les états des lieux thématiques sur les ressources multimédias réalisés par Algora (http://ressources.algora.org rubrique : «Dossiers thématiques» - sous rubrique : «Sélection») ou la Boîte à Outils Multimédias conçue par MIP+ (www.mipplus.org)

 

[10] Plus d’informations sur le CNI, mais aussi le B2I, le C2I, le PCIE, dans la lettre d’Algora N°658 datée de mai 2005  http://www.algora.org/lettre/658.pdfhttp://www.algora.org/lettre/658.pdf

 

[11] Sur le livre de Philippe Carré «L’apprenance» qui porte sur le désir, la capacité et la possibilité d’apprendre que sous-tend la société de la connaissance pour tous – Edition Dunod –  www.dunod.com

FOAD et apprenance, pour innover en formation !

2011 - Jean Vanderspelden - www.iapprendre.fr -  ITG

FOAD et Apprenance, pour innover en formation !

ouvrir vers l’apprenance  en passant par des actions multimodales de type FOAD


 

Les 10 et 11 février 2011, le Conseil Régional de Poitou-Charentes, avec l’appui de l’agence ARFTL, organisait le sixième forum de l’innovation à Poitiers. Lors de l’une des deux tables rondes, la question «Comment les organismes de formation s’approprient-ils les innovations ?» a été posée ; l’article, ci-dessous, reprend les grandes lignes de l’une des interventions, assurée par Jean Vanderspelden – Consultant ITG. Cet article a été publié d'une part sur le site du Conseil Régional à l’adresse suivante : http://www.poitou-charentes.fr/forums-participatifs/formation/6-forum-formation, (dézipper le fichier rassemblant toutes les contributions, et cliquer sur l'article .pdf N°4) et, d'autre part, sur le site du FFFOD à l'adresse suivante : www.fffod.fr

 

FOAD et Apprenance, pour innover en formation :

 

En se connectant sur le site de Wikipédia[1] on prend connaissance, en deux clics, de la définition de l’innovation : «…changement dans le processus de pensée visant à exécuter une action nouvelle. Elle se distingue d'une invention, ou d'une découverte, dans la mesure où elle s'inscrit dans une perspective applicative».

 

Vous avez dit «Innover»

 

Riche de ce point d’appui, la difficulté de la problématique proposée par le Conseil Régional de Poitou-Charentes, apparaissait rapidement. Le secteur de la formation continue étant segmenté, la réponse devait tenir compte de la taille, de la nature et du positionnement de chaque organisme de formation. Les résultats, de l’enquête[2] assurée par l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche des organismes de formation illustraient parfaitement cette réalité. La majorité des organismes de formation privés sont récents et de petites tailles ; un nombre restreint de «gros» organismes assure l’essentiel du chiffre d’affaire de la branche. Par ailleurs, des activités nouvelles apparaissent dans les métiers des organismes de formation, essentiellement dans les fonctions supports, «au détriment» des fonctions  pédagogiques. De fait, depuis 1971, les organismes de formation, mais aussi, les CFA, les Universités, n’ont pas arrêté de s’adapter, et pour certains d’innover. Pour sortir du dilemme innovation subie ou pro-active, et au vue de la complexité de l’insaisissable problématique «formation-emploi», l’innovation souhaitée par les clients, par les commanditaires mais aussi, par les acteurs et les apprenants eux-mêmes, ne pourrait s’envisager isolement. Elle s’articulerait dans un double dynamique ; interne, autour d’une forme de réingéniering pédagogique, et externe, autour d’une forme de réingéniering partenarial et territorial. Dans ce contexte d’ajustement constant, quel changement majeur de pensée, dans notre secteur professionnel, serait susceptible de générer ces actions nouvelles ?

 

Du concept de FC à celui d’apprenance !

 

Dans la perspective de «penser global pour agir local», le concept qui semble répondre à ce questionnement, pourrait être celui de l’apprenance, tel que le définit Philippe Carré[3]. Ce n’est plus l’apprenant qui doit s’adapter à l’offre des organismes de formation, mais les acteurs de l’orientation-formation qui vont de plus en plus prendre en compte les besoins des personnes, en fonction de leur projet et de leur parcours sur leur territoire, y compris numérique. Comme la gouvernance serait la capacité de «se gouverner», on pourrait dire que l’apprenance serait celle de «s’apprendre». Ainsi, l'apprenance décrit «un ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l'acte d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite». Dans cette optique, la responsabilité des acteurs de la formation sera de veiller à l’optimisation des trois conditions de mise en oeuvre de ce concept, vu du coté de l’apprenant ; à savoir le pouvoir apprendre, le vouloir apprendre et le savoir apprendre. A sa façon, Michel Serres illustrait cette révolution copernicienne en déclarant en 2003 «certaines universités pourraient être comme les étoiles, elles brillent mais elles sont déjà mortes !».

 

Dans une transition, espérons-le plus douce, on quitterait, en partie, la logique transmissive des connaissances où les stagiaires se forment majoritairement dans la même unité d’action de temps et de lieu. On développerait une logique collaborative où l’apprenant optimiserait de nouveaux espaces-temps, en bénéficiant d’un accompagnement évolutif et personnalisé. On basculerait ainsi des dispositifs de formation continue instituée, vers des organisations plus individuelles d’apprentissage permanent, c'est-à-dire tout au long et tout au large de sa vie[4].

 

Des illustrations de cette bascule en cours

 

De nombreux acteurs ont déjà mise en œuvre sur leurs territoires des pratiques ouvertes qui confortent cette évolution. On peut citer les points suivants :

 

- les parcours sont, de plus en plus, individuels avec un accompagnement le plus personnalisé possible qui vise à «gérer» de la motivation, en début de parcours et à réguler les interactions entre pairs durant la formation ;

 

- des parcours de formation se déroulent sans la présence continue d’un formateur ;

 

- plusieurs prestataires interviennent en complémentarité sur le déroulement d’un parcours ;

 

- l’amont (bilan de compétences, démarches VAE, etc…) et l’aval (certification, e-Portfolio, passeport de formation, etc…) du parcours de formation sont de plus en plus déterminants dans l’implication et la réussite de l’apprenant ;

 

- l’accent n’est plus aussi fortement mis sur les contenus (à concevoir, produire, actualiser et à diffuser), mais sur l’accompagnement et les interactions pour favoriser l’autoformation, l’autorégulation et la métacognition ;

 

- la diversité stratégique des situations d’apprentissage et production est mise en oeuvre avec une alternance de situation individuelle et collective, distante & de proximité, d’ordre et désordre, de présence et d’absence, de réel et virtuel, où la juste mobilisation des outils et des ressources numériques, en particulier celles de  type Web 2.0, est un élément clé ;

 

- et enfin, la plus-value de la prestation de formation, de e-formation, voire de e-conseil, se centre de plus en plus sur la régulation et au final, sur la validation du parcours, en intégrant le fait que l’on apprend de plus en plus hors institution, et donc, un temps de mise en valeur du savoir informel apparaît nécessaire.

  

Couplage FOAD[5] et Apprenance

 

         De notre point de vue, l’ensemble de ces points résonne avec le concept de Formation Ouverte, c’est-à-dire, individuelle et flexible, et à distance[6], quand c’est nécessaire ou utile. Les deux minuscules «ad» du sigle FOad, sont là pour souligner l’importance de l’ouverture sur  la distance. Trop souvent, on associe l’innovation à la distance, alors que, vu du coté de l’apprenant, le service des dispositifs innovants n’est pas la distance, mais le service souple de proximité : «Formation Ouverte de Proximité». Par ailleurs, la vraie distance n’est plus géographique, mais pédagogique quand le formateur se désengage stratégiquement de la relation pour conforter la prise d’autonomie de l’apprenant. L’innovation passerait par notre capacité, collective et partenariale, à ouvrir de plus en plus les actions de formation, mais aussi de travail, pour laisser se développer des porosités positives aux bénéfices de la prise d’initiative, pour ne pas dire prise de pouvoir, de l’apprenant. Aux regards des contradictions, de la complexité et des tensions de nos sociétés[7], «apprenant» semble être le seul métier durable, mais avec double nécessité :

 

- de comportements nouveaux et responsabilités reconnues des apprenants pour saisir toutes les opportunités d’auto-apprentissage, plus ou moins accompagnées dans cette nouvelle donne de l’apprenance ;

 

- d’une diversification et d’une consolidation des métiers du formateur (accompagnateur, médiateur, et aussi concepteur), lui-même apprenant dans un cadre légal et réglementaire toujours en partie décalé, au regard des enjeux.

 

Pour tendre vers ces nouveaux espaces-temps, marqués par plus d’ouverture, il s’agira de poursuivre le couplage progressif, pragmatique et multimodale entre «FOad» et «apprenance».

 

Jean Vanderspelden – Consultant ITG – Mars 2011

jean.vanderspelden@free.fr - https://www.facebook.com/Jean.VDS/notes

https://www.facebook.com/notes/jean-vanderspelden/foad-et-apprenance-pour-innover-en-formation-/198247023539643/

www.iapprendre.fr - @jeanvds

 

 

[1] Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Innover Le site Wikipédia nous apparaît comme une des innovations sociales numériques majeures de ce début de siècle !

 

[2] Résultats publiés sur http://www.ffp.org/page-382-regards-sur-la-ffp.html et présentés au cours de la même table ronde.

 

[3] Livre : «L’apprenance, vers un nouveau rapport au savoir» – Philippe Carré – Ed Dunod  (www.dunod.com) – 2005 ou article : http://www.u-paris10.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=2881

 

[4] Traduction du concept européen de Long Life Learning qui ne signifie pas «Formation tout long de la vie».

 

[5]  Voir les sites www.fffod.fr et www.arftlv.org

 

[7] A condition que tous les apprenants soient en capacité de saisir ces opportunités, référence à ceux en particulier qui ne maîtrisent pas suffisamment la compétence-clé : «Apprendre à apprendre» - Voir l’e-ressource « i-8a, tous apprenants» - MIP+ (www.mipplus.org)


2014 - Yamina BOUAYAD-AGHA (Coordonnatrice APP de Sète) & Jean Vanderspelden - www.iapprendre.fr - ITG

AUTOFORMATION ACCOMPAGNÉE ET ADULTES PEU QUALIFIÉS

LES APP COMME LIEUX OUVERTS D’APPRENANCE


RÉSUMÉ

 

Souvent, quand on évoque un «Parcours d’Autoformation accompagnée», on ne retient que le mot «Autoformation» et on l’associe assez rapidement à la SoloFormation, en se demandant légitimement si l’Autoformation, c’est bien de la formation ! Et surtout, si l’Autoformation est aussi une réponse efficace pour les adultes peu qualifiés ? Ce sont des personnes «jugées» peu motivées et peu armées pour apprendre et, en particulier, pour les plus faiblement qualifiés, y compris les personnes en situation d’illettrisme, souvent éloignés de l’emploi et de la société numérique ! On oublie les termes «parcours» et «accompagnée». Les réponses des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP) sont particulièrement adaptées à la fois aux publics adultes qualifiés et peu qualifiés, sous des conditions de respect de plusieurs fondamentaux. L’objet de cet article, est de présenter quelles sont les pratiques des APP et dans quels contextes elles peuvent être mises en œuvre au bénéfice des apprenants. Il s’agit de poser les conditions pour que ces personnes puissent progressivement se reconnaître comme «apprenant» et s’engager dans une démarche structurée et tutorée pour «apprendre à apprendre», tout en se formant. 

 

Pour cela, nous nous appuierons et nous valoriserons le «Guide de l’ANLCI pour la démultiplication des pratiques Autoformation accompagnée des adultes en situation d’illettrisme», conçu avec le réseau des APP de la région Languedoc-Roussillon, coordonné par ITG Paris et publié en 2014 dans le cadre du Forum 2.0. Dans ce guide éclaire les étapes d’un parcours d’autoformation accompagnée qui donnent la possibilité aux adultes de niveaux et d’horizons variés, avec un tutorat évolutif, avec une entraide et avec la mobilisation de ressources adéquates (papier et numérique) de devenir de plus en plus autonome dans leur apprentissage. Il s’agit organiser des écosystèmes d’apprentissages ouverts pour qu’ils prennent de plus en plus d’initiatives pour réguler eux-mêmes leur formation.  A ce titre, les APP sont des espaces d’apprenance.

 

MOTS-CLÉS : app – apprenance  – accompagnement – autoformation – parcours

 Accès à la version complète de l'article publié sur le site de l'Université de Strasbourg au fomat .prg

 http://colloque-autoformation.unistra.fr/uploads/media/Bouayad_Vanderspelden.pdf 


AUTOFORMATION ACCOMPAGNÉE ET ADULTES PEU QUALIFIÉS.

LES APP COMME LIEUX OUVERTS D’APPRENANCE.

 

1)    Présentation des APP et de l’APapp, plus de 30 ans après leur création.

Depuis 1985, les Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP) sont organisés en réseau. L’Association pour la Promotion du label APP (APapp) rassemble 125 organismes de formation labellisés APP dont l’ensemble constitue le réseau national réparti sur le territoire, DOM-TOM compris. Les sites labellisés «APP» mettent en œuvre une démarche pédagogique spécifique, fondée sur «l’autoformation accompagnée», définie dans le cahier des charges national des APP[1] . Le label est accordé pour trois ans, suite à un audit réalisé par AFNOR Certification, et après avis de la commission nationale de labellisation. Ce label est ouvert à tout organisme de formation qui en fait la demande. Ce sont des organismes privés, associatifs ou scoop, CCI, CFA, CFPPA, GRETA, Université, etc….  Dans cette logique de réseau favorable à la mutualisation des outils et des ressources, aux réponses concertées aux appels d‘offre, aux multiples partenariats (Conseil Régional, Conseil Général, Communauté de communes, Etat, Pôle Emploi, FPSPP, ANLCI, AGEFIP, OPCA, Entreprises, SIAE, etc…) et aux partages de valeurs et des bonnes pratiques, l’APapp a pour mission :

- la gestion du label ;

- la promotion et le développement de la démarche APP ;

- la professionnalisation des acteurs et l’outillage des équipes ;

- le développement d’expérimentations et de projets innovants.

Les prestations des Ateliers de Pédagogie Personnalisée :

Le savoir-faire des équipes APP (individualisation des parcours et personnalisation de la relation d’aide) permet de mettre en œuvre des réponses adaptées et négociées avec chacune des personnes accueillies, formées et accompagnées. En 2013, le réseau des APP a formé, dans le champ du socle de connaissances et de compétences et des compétences clés européennes, 36 000 personnes. Les équipes ont dispensé 2 800 000 heures de formation. Les principes fondamentaux de la démarche APP sont :

1. la personnalisation ;

2. l’accompagnement de l’apprenant ;

3. l’ancrage territorial ;

4. la diversité des publics accueillis en flux (entrées et sorties permanentes);

5. des sources diversifiées de financement ;

6. un fonctionnement à dimension régionale et nationale ;

7. les domaines de formation des huit compétences clés européennes.

Zoom sur la culture numérique développée en APP :

Parmi les huit compétences clés du référentiel européen figurent «Apprendre à apprendre» et «La culture numérique». Dans les APP, ces deux compétences en résonance permettent de préparer les adultes, quel que soit leur statut (salarié, demandeur d’emploi ou autres), leur âge et leur niveau de formation, souvent faible, à la nouvelle donne de notre société qui se complexifie et s’ouvre en même temps. Avant, il fallait savoir lire, écrire et compter. Aujourd’hui avec le développement des usages du numérique dans nos sphères personnelles, sociales et professionnelles, nous devons en plus être en mesure de publier et partager. Il s’agit de maîtriser les outils numériques, non seulement pour se divertir ou consommer, mais aussi pour se déplacer, s’informer et, de plus en plus, pour apprendre, collaborer, produire et travailler de manière collaborative. Dans cette dynamique, en 2013, au cours du Forum ANLCI 2.0, les membres du réseau des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP) du Languedoc Roussillon se sont interrogés sur leurs pratiques pédagogiques et leur organisation afin d’analyser comment et en quoi les parcours d’autoformation accompagnée proposés en APP étaient une réponse adaptée aux adultes en situation d’illettrisme. A cette occasion «Le guide de démultiplication des pratiques intitulé «Autoformation accompagnée des adultes en situation d’illettrisme», a été présenté en 2013 au cours des assises régionales de l’ANLCI à Montpellier et des assises nationales et européennes à Lyon[2] . Il démontre et illustre que les réponses des APP sont fondamentalement adaptées aux publics en situation d’illettrisme, sous les conditions de respect des fondamentaux des APP.

2. Nouvelle donne sociétale : apprendre tout au long de la vie !

Pour des adultes peu qualifiés, trouver un emploi durable, créer son emploi, mais aussi pour garder un emploi reste une tâche difficile même si 50% des personnes illettrées ont un contrat de travail ! On peut être compétent et illettré. Il y a quelques années, une grande joaillerie de la place Vendôme à Paris a connu des difficultés financières. Les ouvriers joailliers, hautement expérimentés avec un savoir-faire pointu et reconnu, ont été licenciés. Dans le cadre du plan social d’accompagnement, à la surprise des opérateurs, une grande partie de ce personnel qualifié était en situation d’illettrisme. Leurs contextes professionnel et personnel les avaient amenés progressivement à ne plus lire et écrire. Plus on avance sur cette problématique, et plus on s’aperçoit que des agents de maîtrise, voire, des cadres[3] peuvent être aussi concernés.

Avant, on n’avait pas besoin de diplôme pour travailler, aujourd’hui un diplôme ne garantit plus un emploi. La seule perspective qui tienne est que chacun devienne «Apprenant tout au long de sa vie» à son rythme et à sa façon, pour entretenir et développer son employabilité, sa sociabilité, sa culture et sa mobilité. Avant, on apprenait à l’école. Aujourd’hui, on doit tous apprendre dans toutes les situations, y compris informelles, en développant une nouvelle capacité : celle de s’autoformer. Devant cette nouvelle exigence sociétale, il y a une forte inégalité :

‐ Ceux qui savent «Apprendre à apprendre» et qui vont trouver les clés pour s’autoformer en continu dans leur contexte professionnel, social et/ou familial ;

‐ Ceux qui ne savent pas «Apprendre à apprendre», dont les publics faiblement qualifiés et, en particulier, les adultes en situation d’illettrisme.

«Apprendre à apprendre» est l’une des huit compétences clés du référentiel proposé par l’Union Européenne. En reprenant les premiers textes, on pourrait traduire cette compétence comme «Etre capable d’apprendre tout au long de la vie».

3. Posture APP : accompagner le changement.

L’autoformation ne peut se concevoir que dans une logique de parcours, avec une progression individuelle et un objectif négocié, et dans une dynamique d’accompagnement personnalisé, donc évolutive. Le travail de l’équipe d’un APP, à défaut d’entendre spontanément les apprenants dire à leur arrivée

«Bonjour, je voudrais m’autoformer !», est d’écouter et de travailler sur un changement de posture. La réalité est plutôt «Bonjour, je voudrais que vous me formiez», sous-entendu, par exemple de travailler une dictée, référence à un modèle scolaire, en écho à : «Bonjour, nous allons vous aider à vous former par vous-même grâce à des activités adaptées et progressives d’apprentissage et de production individuelle et collective», «pour que vous puissiez avoir une réponse à vos problèmes dans votre situation !», dixit Bertrand Schwartz, dès les années 70 !

La porte d’entrée dans la dynamique d’autoformation accompagnée[4] est très certainement d’aider l’apprenant peu qualifié, en particulier celui en situation d’illettrisme, d’abord à se reconnaître comme «Apprenant tout au long de la vie». Il s’agit d’une condition pour qu’il puisse se mobiliser, dans un contexte favorable et adapté, pour apprendre par lui-même. On ne forme pas un adulte, on l’aide à se former ! À l’exception notable des non-lecteurs (niveau 1 du référentiel de l’ANLCI), depuis plus de 30 ans[5], l’activité des APP «Développer l’autonomie dans les apprentissages pour chaque apprenant, qualifié ou non», prouve qu’il n’y a pas de différence fondamentale pour engager une personne illettrée dans un parcours d’autoformation, sauf :

‐ d’une part, à travailler les conditions d’optimisation de la phase d’implication à partir du désir d’apprendre ;

‐ et, d’autre part, de s’inscrire dans un espace-temps cohérent qui permette que l’autonomie ne soit pas un pré-requis, mais bel et bien un objectif et un vecteur d’activités.

4. Ingénierie APP pour faciliter les pratiques d’autoformation accompagnée.

Le réseau des APP a mis en place une ingénierie pour favoriser le développement de la capacité «Apprendre à s’autoformer ». Elle repose sur la mise en résonance progressive de trois dimensions autour d’apprendre ainsi que de quatre espace-temps d’activités combinant différentes modalités d’apprentissage et ajustés par deux pôles de régulation.

· Trois dimensions autour d’apprendre : S’appuyant sur les travaux de Philippe Carré[6], qui lui-même reprend le triptyque proposé par Guy Leboterf appliqué au concept de «compétence», le cahier des charges des APP s’inspire, à son tour, de ces trois axes en résonance.

- «Pouvoir apprendre» rappelle qu’un certain nombre de conditions doivent être remplies pour qu’un adulte, qui a décidé d’entrer en formation, dite formelle, trouve sur son territoire, dans une logique de proximité géographique et culturelle, une réponse opérationnelle à ses besoins. Un maillage territorial, une équipe, des locaux, des ressources et des savoir-faire constituent autant d’éléments qui vont permettre pour un apprenant d’activer, plus ou moins facilement, son «pouvoir apprendre».

- «Vouloir apprendre» renvoie à la capacité des adultes «à franchir le pas» pour se mobiliser dans un apprentissage formel, c’est-à-dire avec une date de début, une date de fin et un objectif mis en œuvre avec l’appui d’un organisme de formation. Cette dimension de la motivation à apprendre est particulièrement délicate pour une grande partie des adultes peu qualifiés et demande, de la part des équipes des APP une posture douce d’écoute, de conseil et de reconnaissance. «Motiver pour réussir» ou «Réussir pour se motiver», sont les deux faces de la même médaille qui consiste, dans une relation personnalisée (et une relation communautaire avec les autres apprenants), à construire un climat de confiance, propice à une prise de risque calculée ; commencer à apprendre de nouveau et à développer ses compétences.

- «Savoir apprendre» se base à la fois sur des principes d’éducabilité cognitives qui marquent notre capacité à améliorer nos capacités d’apprentissage (mémoire, concentration, évocation, créativité, engagement, etc..), et aussi et surtout, notre besoin de diversité et d’ouverture des situations dans lesquelles et par lesquelles nous nous comportons chacun différemment ; tous apprenants ! La diversité et l’ouverture de ces situations sont propices à des apprentissages, individuels et/ou collectifs, compatibles avec une progression de plus en plus autorégulée et toujours accompagnée. Essentiellement en début de parcours, les équipes animent des ateliers méthodologiques intitulés «Apprendre à apprendre», «Apprendre efficacement» ou «APP mode d’emploi». Les participants y vivent des situations d’exploration qui leur permettent d’échanger et de

«toucher du doigt» la manière dont ils apprennent, ou pas, et surtout, la panoplie possible des stratégies d’apprentissages et d’aides à l’apprentissage, qui occupent une place centrale dans l’autoformation accompagnée.

Cette triple dimension «Savoir, vouloir et pouvoir apprendre» repose en partie sur la mise en place concertée et l’animation, sur chaque territoire, d’écosystèmes d’apprentissage. Ces écosystèmes visent à faciliter l’activation de liens pertinents entre la formation des apprenants et leurs environnements professionnels, social et personnel.

· Quatre espaces-temps d’activités :

pour renforcer l’autonomie dans les apprentissages, les équipes des APP proposent aux apprenants des parcours d’autoformation accompagnée, construits autour de quatre espace-temps.

Cette matrice, inspirée d’un modèle élaboré par Marcel Lebrun[7] , offre quatre étapes non séquentielles, qui vont permettre à l’apprenant de s’approprier progressivement le fonctionnement de l’APP et d’en tirer profit pour être de plus en plus efficace dans sa capacité à auto-diriger ses séances de formation. Ces espace-temps combinent différentes modalités d’apprentissage : à la fois sur des supports papier ou numériques, avec des temps de formation présentiel et distanciel, des temps en collectif, en atelier, en individuel et en autonomie. Les apprenants peuvent être en activité sans la présence continue de leur formateur ou de leur tuteur, en Centre De Ressources ou dans une antenne APP. Ces quatre activités sont ajustées par deux pôles de régulation : la motivation, point d’accroche lié au projet personnel, et les interactions car «on apprend toujours seul, mais jamais sans les autres

N°1 Activités d’implication N°2 Activités d’apprentissage N°3 Activités de production N°4 Activités de valorisation

A)   Pôle de régulation Gestion de la motivation Personnalisation 

B) Pôle de régulation Gestion des interactions Individualisation Point de départ Point de rebond 2

«Parcours d’autoformation accompagné dans un APP À partir du modèle proposé par Marcel Lebrun

· «S’impliquer et impliquer» : La motivation de l’apprenant dans la démarche d’apprentissage est essentielle à son engagement dans l’autoformation accompagnée. En définissant clairement son projet socioprofessionnel, en donnant du sens à son parcours de formation et à ses apprentissages, en comprenant son programme et ses objectifs de formation et en retrouvant de l’appétence à apprendre, l’apprenant adhère à son parcours et naturellement aux apprentissages en autonomie. Pour cela, dès la phase d’accueil à l’APP, le formateur référent co-construit le parcours de formation, le négocie et le formalise par un contrat pédagogique. La signature de ce contrat est aussi un levier d’engagement réciproque qui permet à l’apprenant de prendre la responsabilité dans le déroulement et l’ajustement de son parcours avec, entre autres, la possibilité d’établir un éventuel avenant. Tout au long du parcours, le formateur apporte des outils méthodologiques facilitant le travail en autonomie, propose des ressources contextualisées éclairant le sens des apprentissages et s’appuie sur des renforcements positifs qui entretiennent la diversité et le plaisir d’apprendre.

· «Apprendre» : Les séances en ateliers, dans le CDR (Centre De Ressources, espace clé de l’APP), le tutorat, l’entretien individuel, le travail en présentiel et à distance, les supports papier et numériques sont autant de modalités et de ressources d’apprentissage offertes à l’apprenant en APP. L’autoformation accompagnée est une modalité majeure parmi d’autres, le formateur la prépare, l’accompagne et l’adapte pour respecter le rythme de progression de l’apprenant dans ses apprentissages et son autonomisation.

· «Produire» : L’APP met en place des situations de production individuelle ou collective. Les formateurs proposent des ateliers thématiques qui aboutissent à des projets de production : atelier d’écriture, roman-photo, théâtre, art plastique, etc... Ces ateliers donnent du sens aux apprentissages, ils permettent de mettre en action les compétences acquises que ce soit dans les domaines des savoirs généraux (communication, mathématiques), des savoirs appliqués (sciences et technologie, compétences numériques, sociales et civiques, sensibilité et expression culturelle) et de l’initiative (apprendre à apprendre et esprit d’initiative et d’entreprise). Cela crée des interactions entre les apprenants qui développent ainsi leurs compétences sociales pour s’entraider à produire, et donc, s’entraider à apprendre.

· «Se valoriser» : Un des obstacles majeurs à l’apprentissage pour les personnes faiblement qualifiées, et particulièrement en situation d’illettrisme, peut être le manque d’estime de soi. Une autoformation réussie passe alors obligatoirement par la revalorisation de l’apprenant et de la représentation qu’il a de ses propres expériences scolaires et sociales, de ses atouts et de ses compétences. Le formateur accompagne, rassure et valorise les acquis. Il détecte les blocages et guide l’apprenant dans sa réappropriation de l’autonomie. Il s’agit, aussi, en fin de parcours d’être en mesure d’exprimer et de mettre en valeur les connaissances et les compétences acquises à l’APP, pour un employeur. Cette valorisation de compétences est formalisée par la remise d’une attestation de compétences ou par la mise à jour d‘un porfolio de compétences. Il ne s’agit pas d’une succession d’étapes mais plutôt des «espaces-temps» qui s’entrecroisent et qui donnent de la souplesse à chaque adulte pour s’approprier l’organisation de l’APP.

5. Individualiser et personnaliser, pour poser l’autoformation accompagnée.

Pour générer des dynamiques d’autoformation accompagnée (voir schéma ci-dessous), les équipes des APP répartissent leur énergie sur deux volets distincts et complémentaires :

- d’abord installer et entretenir l’individualisation : synonyme de flexibilité potentielle dont vont bénéficier tous les apprenants de l’APP, l’individualisation correspond à une somme de procédures technico-pédagogiques. Elles vont permettre à tous les apprenants d’avoir un parcours différencié, tout en bénéficiant des mêmes espaces, ressources et organisations. L’essentiel de ces procédures tourne autour d’une utilisation optimale du Centre de Ressources de l’APP, espace de souplesse dans le déroulement de chacun des parcours. Pour l’équipe de l’APP, il s’agit d’orchestrer le processus de formation propre à l’APP avec la diversité des méthodes pédagogiques qui y sont pratiquées (voir guide de démultiplication). L’individualisation permet aux apprenants d’interagir entre eux pour échanger, pour partager, pour produire, et donc, mieux apprendre.

- puis déployer et ajuster la personnalisation : si on peut anticiper la mise en place de l’individualisation, le concept de personnalisation renvoie à la capacité des membres des équipes pédagogiques à instaurer une relation d’aide. La phase d’accueil est primordiale. La prise de risque qui correspond à l’entrée dans une logique d’autoformation, contraire aux représentations des apprenants (paradoxalement souvent attachés au modèle scolaire) doit s’accompagner. Durant le parcours, un desétayage propre à chaque personne est également activé pour conforter l’autonomie recherchée. La personnalisation renvoie à un ensemble de processus d’implication progressive de la personne liée à sa motivation à apprendre au regard de son projet. C’est dans ce sens que la pédagogie des APP est dite «personnalisée» (voir guide de démultiplication).

1) INDIVIDUALISATION Flexibilité du dispositif pour tous les apprenants Gestion des interactions

2) PERSONNALISATION Aide à chaque apprenant Gestion de la motivation

1 + 2 = 3 > Dynamique d’autoformation accompagnée 6.

Les APP, lieux ouverts d’apprenance [8] pour de nouvelles compétences.

Globalement, on peut dire que l’une des caractéristiques propres aux APP est de s’adapter aux besoins de chaque apprenant, dans la limite des moyens qui leur sont alloués. Cela concerne les finalités, les modalités, les contenus et les rythmes d’apprentissage. L’une des marques de l’Apprenance est de proposer sur les territoires, des opportunités formelles ou informelles que les personnes puissent saisir aisément tout au long et tout au large de leur vie. Comme la gouvernance serait la capacité de «se gouverner», on pourrait dire que l’apprenance serait celle de «s’apprendre». Ainsi, l'apprenance décrit «un ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l'acte d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite.»

Le principe fondamental de «libre entrée/sortie» mis en œuvre par les APP prend, ici, tout son sens. Pour cela, deux conditions doivent être remplies :

- que les APP soient inscrits dans une logique territoriale où des partenariats puissent se développer et s’ajuster avec les acteurs et les financeurs de l’insertion, l’orientation, la formation et le développement : d’un côté, Cyberbase EPN, Médiathèque, Mission Locale, Opérateurs nationaux de formation (AFPA, CNAM, CNED, Université), Pôle Emploi, SIAE et de l’autre ; AGEFIP, Communauté de communes, Conseil Régional, Entreprises, Etat, Europe, OPCA, etc…

- que les compétences visées dans les parcours des APP intègrent celles portant sur la «capacité à s’autoformer», en partie en résonance avec les enjeux sociaux8 de la société numérique.

Au moment où les usages du numérique se développent immanquablement dans nos multiples activités, ouvrant de nouveaux espaces d’apprentissage 9] , entre formel et informel, trois registres de compétences [10] pour tous, pour apprendre vont progresser. Ces trois registres de compétences (savoirs en action) complémentaires devraient nous aider à nous reconnaître [11], ou à nous conforter, comme «apprenant tout au long de vie»:

a) Compétences liées à l'auto-direction de ses apprentissages[12] :

· définir, adapter et conduire son projet ; · s’appuyer sur ses savoirs, ses expériences et ses réseaux ; · prendre en compte ses contraintes personnelles et professionnelles ; · s'organiser durablement dans le temps et l’espace ; · accepter ses erreurs et comprendre ses échecs et ses réussites ; · se fixer des objectifs intermédiaires ; · s'encourager soi-même et développer sa force mentale : · conforter ses capacités à apprendre : mémorisation, concentration, logique, créativité, prise de note, lecture, écriture, mieux se connaître, accès et gestion des ressources, etc… · et repérer les personnes et les situations favorables à l'apprentissage. - «Cet accompagnement vise, dans les limites imparties à la durée de la formation, à renforcer les capacités d’apprentissage, en prenant en compte la globalité et l’émotion de l’apprenant et en tenant compte du profil et des stratégies d’apprentissage de chaque personne : principe de reconnaissance, étayage-desétayage pédagogique, médiation, métacognition, «apprendre à apprendre», etc…

b) Compétences liées à la culture numérique et au registre informationnel :

· rechercher, repérer, trier, qualifier, trier et agréger les informations ; · se connecter, naviguer et interagir en ligne ; · construire son environnement d’apprentissage numérique ; · gérer ses flux d'informations ; · s’informer, réagir, commenter et s'exprimer ; · et créer des contenus, les numériser, les publier et les partager.

c) Compétences liées aux interactions sociales :

· identifier des communautés d'apprentissage et s'y intégrer ; · coopérer et collaborer en présentiel et à distance ; · produire et échanger en ligne ; · connaître et maîtriser son identité numérique ; · accepter un regard critique, l’apport de l'autre et se remettre en question ; · échanger en donnant et en recevant, avec une logique d’entraide ; · adresser et discerner des signaux de reconnaissance ; · et valoriser et se valoriser.

7. En conclusion

De notre point de vue, ces trois registres de compétences résonnent entre eux et convergent vers une nouvelle compétence transversale : «apprendre à devenir» qui englobe «apprendre à apprendre», «apprendre à s’autoformer» et «apprendre à s’insérer» déjà activées par les équipes APP et toujours perfectibles. Ils s’inscrivent dans la dynamique des apprentissages collaboratifs et sociaux où les activités priment sur les contenus et où le concept «d’autoformation accompagnée» est mis en œuvre qualitativement et quantitativement. Ces pratiques innovantes prennent corps dans des dispositifs ouverts, car plus accessibles et plus diversifiés. Ils intègrent progressivement le concept d’Apprenance autour du triptyque «Pouvoir apprendre, vouloir apprendre et savoir apprendre». Ainsi les Ateliers de Pédagogie Personnalisée constituent un réseau original d’écosystème d’apprentissages basé sur l’autoformation accompagnée.


Yamina BOUAYAD-AGHA (Coordonnatrice APP Ville de Sète Languedoc-Roussillon

 yamina.bouayad@gmail.com - www.appsete.net & Espace «Google+» du réseau APP Languedoc Roussillon) et 


Jean VANDERSPELDEN (Consultant ITG Paris)

 -jean.vanderspelden@free.fr - Membre du FFFOD - www.iapprendre.fr)


2014

 

[1] Téléchargement du cahier des charges national des Ateliers de Pédagogie Personnalisée via le site http://appreseau.eu/upload/Cahier%20des%20charges%20APP%202011.pdf?PHPSESSID=fpi0gipgehel2qviijr1l7n7s1


[2] 8 ème colloque européen sur l’autoformation – Strasbourg L’autoformation accompagnée et les APP - Yamina Bouayad-Agha et Jean Vanderspelden. 2 Guide de démultiplication des pratiques «Autoformation accompagnée des adultes en situation d’illettrisme» - Forum ANLCI 2.0 en Languedoc Roussillon – avec M Anthony, Y Bouayad, P Garcia du réseau des GRETA

 

[3] http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/02/16/lillettrisme-des-cadres-un-phenomene-meconnu-et-tabou_1833722_3224.html


[4] APP Languedoc Roussillon et l’appui de J Vanderspelden - Version datée de Juin 2014 publiée sur le site http://www.anlci.gouv.fr/ dans la rubrique «Médiathèque» ou directement via http://www.anlci.gouv.fr/Mediatheque/guides-forum-2.0/Autoformation-accompagnee-des-adultes-ensituation-d-illettrisme-Guide-de-demultiplication-Languedoc-Roussillon

Contact : Manuel Berthou – Chargé de mission régional ANLCI – manuel.berhou@languedoc-roussillon.pref.gouv.fr 3

 

[5]  «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagné en actes» – Ouvrage collectif coordonné par Philippe Carré et Michel Tétart. L’Harmatan - 2003


[6] Voir vidéo de 6’ sur la Web-TV de l’AFPA http://pros.webtv.afpa.fr/chaine/accueil/1067/res:Carre-PhilippeDe-la-formation-a-l-apprenance


[7] «E-Learning pour enseigner et apprendre, allier pédagogie et technologie» - Marcel Lebrun Academia Bruylant – Belgique – 2005


[8] Livre : «L’Apprenance, vers un nouveau rapport au savoir» – Philippe Carré – Dunod – 2005 & vidéo «L’apprenance, vers une nouvelle culture de formation» Colloque International HEC Montréal – 2012 – 33’02, accessible via le site www.iapprendre.fr – rubrique «7) des vidéo» ou directement - http://sites.google.com/site/jvdsconsultant/7-des-videos/


[9]  La dernière illustration de cette évolution qui poursuit son buzz sur Internet, est l’irruption et l’installation des Mooc dans le paysage de l’éducation et de la formation, et cela, au plan mondial, pour le meilleur et pour le… Voir les quatre Web-Conférences organisées par le FFFOD sur cette thématique : les 09 avril 2013, 14 mai 2013 et le 11 juin 2013 et le 09 décembre 2014 – http://www.fffod.fr/activites-du-fffod/web-conferences/

 

[10] A partir de l’article «Nouvelles compétences pour l'apprenance» – publié le 7 avril 2013 par Denis Cristol sur son blog «Apprendre autrement» : http://4cristol.over-blog.com/nouvelles-comp%C3%A9tences-pour-lapprenance/

 

[11] «La reconnaissance précède la connaissance !» - Voir article écrit en 2004, publié 2005 et repris en 2012 sur le compte Facebook : http://www.facebook.com/notes/jean-vanderspelden/app-individualiser-nest-paspersonnaliser-ou-apprendre-%C3%A0-sautoformer-article-pub/448053721892304/

 

[12] Voir Web-conférence du 11 juin 2013 «Autoformation & aspects sociaux» – suite à la parution du livre «Renforcer l'autoformation ; aspects sociaux & dimensions pédagogiques – Christophe Jeunesse, Denis Cristol, et Pascal Cyrot, respectivement maître de conférence et enseignant-chercheur en Sciences de l'éducation à l'Université Paris Ouest ou à l’Université de Reims – Editions Chroniques Sociales.


Emergence de pratiques et de territoires d’Apprenance & Tiers lieux

2017 - Jean Vanderspelden - www.iapprendre.fr - ITG

Emergence de pratiques et de territoires d’Apprenance & Tiers lieux

 

De nouveaux territoires pour des nouvelles formes d’Apprenance

 

Le concept d’Apprenance[1] est relativement nouveau. Pourtant, dans notre économie de la connaissance qui s’impose, on parle déjà de pratiques et de territoires d'Apprenance. Si dans "le monde de la formation", le stagiaire doit s'adapter à l'offre de formation, dans celui de l'Apprenance, ce sont «les acteurs du savoir» qui construisent et qui animent, sur leur territoire, de nouveaux écosystèmes de formation au profit de communautés d’apprenants. Cette révolution copernicienne s’inscrit et participe au développement de la politique européenne : «Apprentissage tout au long de sa vie». Cette approche innovante peut offrir à chacun d’entre nous, de nouvelles occasions d’interagir et d’apprendre ; fortuite et occasionnelle, individuelle et collective, en présence et à distance, etc….  Elle marque la rupture entre les dispositifs qui ont pour objectif de former les personnes et ceux qui créent les conditions favorables pour que les personnes puissent se former, tout en bénéficiant d’un cadre et d’un accompagnement facilitants. Dans cette deuxième assertion, l’individualisation des parcours, associée à la personnalisation de l’accompagnement, crée les conditions d’une autorégulation autonomisante. Cette autorégulation, relative et progressive, des apprentissages formels et informels, par les apprenants eux-mêmes, prend forme via leurs motivations à produire, à partager et à interagir, actions souvent portées par des usages collaboratifs du numérique dans de nouveaux espaces conviviaux.

 

Cette révolution de «l’apprendre autrement»[2] est portée par la digitalisation accélérée de notre société cognitive. Elle trouve, aujourd’hui, sa traduction dans le nouveau cadre légal. En France, la réforme de 2014, initiée par l’Etat et conçue par les partenaires sociaux, vise à assouplir la mise en place d’actions de formation. L’innovation principale est de plus avoir comme modèle unique le «Stage». Ce modèle est marqué par des unités de lieu, de temps et d’action. On pourrait qualifier le stage comme une action unimodale. Ce modèle est peu compatible avec un exercice réel de la liberté de l’apprenant qui requiert sur une organisation pédagogique ouverte et flexible ! De plus en plus acteurs de la formation innovent sur deux axes complémentaires. Ce sont d’abord, les pratiques d’Apprenance en mobilisant des approches originales, plus ou moins digitalisés, pour co-apprendre (Barcamp, Cercle d’Apprentissage, Communauté d’apprenants, Educamp, Explorcamp, Hackathon, MOOC, Webinar, Worldcafé, etc….). Ce sont aussi de nouveaux territoires d’Apprenance pour se former souplement avec les autres (APP, Bibliothèque, EPN, Espace de Co-Working, Fab Lab, Learning Centers, Learning Lab, Médiathèque, Poste de télétravail ou de téléformation, Ville apprenante[3], etc…). Ces nouveaux territoires concernent aussi les Formations En Situation de Travail (FEST)[4].

 

La somme de la pluralité de ces modalités inédites, pour la plupart, enrichit et diversifie les pratiques de Formations Ouvertes et à Distance (FOAD), dites formations multimodales ou formations digitales[5].

 


Ancrage territorial des pratiques innovantes d’apprentissage


 

En août 2014, puis en mars 2017, la publication des deux décrets sur la FOAD[6] ré-éclairait l’exercice de la liberté de l’apprenant, et donc sa responsabilité, en lui reconnaissant légalement le droit de poursuivre une partie, ou la totalité, de son parcours de formation, sans la présence continue de ses formateurs. De fait, le législateur conforte l’activité d’auto-formation accompagnée comme une des modalités de déroulement d’un parcours de formation formelle. Par ailleurs, le cadre réglementaire ne se réfère plus à des «Actions de formation» mais à des «Parcours de formation»[7], ouvrant ainsi la possibilité d’articuler plusieurs modalités, temporalités et lieux pour apprendre. La notion de parcours, associé au séquencement, répond mieux aux aspirations légitimes de diversité des apprenant eux-mêmes.

 

Pour éviter des situations paradoxales dans lesquelles l’environnement ne permet pas à l’apprenant d’exercer cette nouvelle liberté d’apprendre, une des solutions consiste à intégrer la fréquentation des «Tiers-Lieux»[8] dans son parcours. Ce sont des lieux propices à des rapports assouplis, voire libérés, aux savoirs qui assurent la pratique du concept de «proximité numérique». Dans un entourage géographique, entre son domicile et son entreprise, les «Tiers-Lieux» offrent aux citoyens-apprenants un espace accueillant, marqué par une convivialité et un confort, pour s’informer, se former et interagir. Ces facilités résonnent avec l’usage d’une connexion internet de qualité. La possibilité de rejoindre facilement ces lieux représente une plus-value pour chaque apprenant en vue de saisir plus opportunités d’apprendre. L’organisation en réseau de ces nouveaux espaces assure un passage progressif et stratégique de la Formation (XXème siècle) vers l’Apprenance (XXIème siècle). Cela correspond au développement des actions FOAD, dite multimodales ou Formations Digitales où l’apprenant n’a plus besoin systématiquement d’être en face de ses formateurs. Elles intègrent l’alternance de situations de formation, ancrées dans un lieu fixe et des situations complémentaires d’autoformation flottantes, autour et avec des tiers lieux connectés. La question de l’organisation et de la répartition des Tiers-Lieux sur l’ensemble du territoire, DOM-TOM compris, est un enjeu majeur pour une gestion performante des territoires apprenants. Une des réponses est le plan national de déploiement de la fibre optique.

 

Le point commun ces territoires d’Apprenance et de ces pratiques d’Apprenance est la mise en oeuvre variée de dynamiques d’autoformation accompagnée, laissant à l’apprenant un vrai degré de liberté dans ses actes d’apprentissage. Cette logique donne une réelle capacité aux apprenants de s’organiser conjointement sur leur territoire géographique et leur territoire numérique. Cette auto-organisation partielle ou totale, s’affranchit, non seulement de l’institution et son fonctionnement, mais aussi, de l’action formative et de son ingénierie. Agir sur ce double territoire, métrique et digital, dans une dynamique d’Apprenance, requiert de ne pas se centrer uniquement sur le triptyque «savoir, savoir-faire & savoir-être», mais aussi, sur savoir apprendre pour, au final, savoir devenir pour interpeler et accompagner différemment les publics apprenants, en particulier à ceux qui sont les plus éloignés des dispositifs formels ; les jeunes adules (dont les trop nombreux NEET) et les adultes moins qualifiés.

 

Jean Vanderspelden – www.iapprendre.fr

Publications EPALE / Learning Sphère & FFFOD – Mars 2017

http://learning-sphere.com/fr/emergence-de-pratiques-et-de-territoires-dapprenance-tiers-lieux-12/



[1] L'apprenance est un néologisme qui définit une attitude et des pratiques individuelles et collectives. C'est la volonté de rester en phase avec son écosystème. Elle exprime une volonté d’apprendre et d’apprendre ensemble à quatre niveaux : individuel, organisationnel, inter-organisationnel et sociétal. C'est la démarche utilisée par les organisations apprenantes. Source Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprenance


[2] Voir le Blog «Apprendre autrement» tenu par Denis Cristol - http://4cristol.over-blog.com/ et en particulier l’article publié sur le site THOT : http://linkis.com/cursus.edu/article/2/MszNT «Les étonnants modèles d'apprentissage du secteur public».

 

[3] Clermont Ferrand est la première ville française à recevoir le label UNESCO «Ville apprenante». – janvier 2017 http://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand/institutions/education/2017/01/24/c-est-quoi-une-ville-apprenante-nbsp_12245841.html

 

[4] Voir article Centre Inffo http://www.centre-inffo.fr/uhfp/actualites/article/ouvrir-la-formation sur la FEST- 11/2015.

 

[5] Voir le site www.fffod.fr Forum Français des acteurs des FOrmations Digitales

 

[6] Chronique «Droit devant ; de nouvelles règles pour la formation à distance» - JP Willems pour le FORCO  http://forconet.forco.org/jpwillems/20140915/site/


[7] Voir article DEMOS «L’action de formation : toujours bien vivante !» - 01/2017 http://www.demos.fr/chaines-thematiques/responsable-formation/Pages/action-de-formation-toujours-bien-vivante.aspx

 

[8] Le tiers-lieu, ou la troisième place, ou est un terme traduit de l'anglais The Third Place. Il fait référence aux environnements sociaux se distinguant des deux principaux que sont la maison et le travail. Dans son livre datant des années 1980 The Great, Good Place, Ray Oldenburg, professeur émérite de sociologie urbaine à l’université de Pensacola en Floride, indique que les troisièmes places sont importantes pour la société civile, la démocratie, l'engagement civique et instaurent un sentiment d'espace.  Source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tiers-lieu

APP, entre "Formation & Apprenance" ; Un positionnement culturellement encore décalé ?

2017 - Jean Vanderspelden - www.iapprendre.fr -  ITG

APP, entre "Formation & Apprenance" ; Un positionnement culturellement encore décalé ?

De la liberté de se former dans les espaces d'Apprenance que sont les APP !

 

Le concept d’Apprenance[1] est relativement nouveau. Pourtant, aujourd’hui, on parle déjà de pratiques et de territoires d'Apprenance. Si dans "le monde de la formation", le stagiaire doit s'adapter à l'offre de formation, dans celui de l'Apprenance, ce sont «les acteurs du savoir» qui construisent et qui animent, sur leur territoire, de nouveaux écosystèmes de formation au profit de communautés d’apprenants. Cette révolution copernicienne participe au développement de la politique européenne : «apprentissage tout au long de sa vie». Cette approche innovante peut offrir à chacun d’entre nous, de nouvelles occasions d’interagir et d’apprendre ; formelle et informelle, individuelle et collective, en présence et à distance, etc…. Cette révolution de «l’apprendre autrement»[2] est portée par la digitalisation accélérée de notre société cognitive et trouve, aujourd’hui, sa traduction dans le nouveau cadre légal.

 

Parmi, les différentes conditions de mise en œuvre durable de pratiques d’Apprenance figure en bonne place la reconnaissance de la liberté de l’apprenant ! Le mot «liberté» est peut-être un peu fort, mais il marque la rupture entre les dispositifs qui ont pour objectif de former les personnes et ceux qui créent les conditions favorables pour que les personnes puissent se former. Dans cette deuxième assertion, l’individualisation des parcours, associée à la personnalisation de l’accompagnement, crée les conditions d’une autorégulation autonomisante. Cette autorégulation, relative et progressive, des apprentissages par les apprenants eux-mêmes, prend forme dans leur motivation à produire et à interagir.

 

Acteurs de l’apprenance, les Ateliers de Pédagogie Personnalisée, dont l’ADN tourne autour de l’autoformation accompagnée, sont en première ligne, et cela, depuis leur création dans les années 1986[3]. Entre la date de création et les années 2008, l’Etat a subventionné une bonne partie de l’activité des APP. Ce mode financement a permis aux équipes de développer qualitativement et quantitativement l’activité des 450 APP (pic attesté successivement par IOTA+, puis par l’Algora). Cette montée en charge s’est faite en contre-point marginal, voire original, voir paradoxalement dérangeant, de l’ensemble des acteurs du champ de la formation professionnelle centrés sur «la gestion de stage» conformément aux attentes de la majorité des financeurs.

 

En 2008, l’Etat décide de généraliser le financement des actions de formation sur appel d’offre. Aussi, dans un souci de cohérence, pour ne plus être à la fois «juge et partie», l’Etat se désengage de la tutelle du réseau et oblige brutalement les APP à se positionner sur des logiques de marché centrées quasiment sur le modèle «Stage». Ce modèle est marqué par une unité de lieu, de temps et d’action. On pourrait qualifier le stage comme une action unimodale. Elle est peu compatible avec un exercice réel de la liberté de l’apprenant, lié à une réponse pédagogique flexible, voire sur mesure ! Cette nouvelle donne a créé, de fait, une crise au sein du réseau ; crise économique doublée d’une crise identitaire où une partie des décideurs des organismes porteurs d’APP, dans des contextes tendus, n’ont pas pu, n’ont pas su, n‘ont pas voulu affirmer l’APP comme un acteur original d’Apprenance ! C’est-à-dire, de mettre clairement «en avant» l’autofomation accompagnée comme une innovation majeure et efficace, en résonance, à la fois avec les nouveaux comportements des apprenants, et aussi, avec les attentes en terme de nouvelles compétences[4]. Malgré la volonté de nombreuses équipes d’APP et de responsables d’organismes de formation (GRETA, Association, CFPPA, CCI et autres), seuls 150 APP ont «résisté» à ce contexte réglementairement défavorable. Contre vent et marée, ils ont maintenu et adapté des pratiques communes d’accompagnement formatif, avec un cahier des charges à la fois affirmé et rénové, autour de l’APapp.

 

La dimension économique, et du coup, la mise en concurrence de réseaux de partenaires, nous semble-t-il, n’expliquent pas tout ! La liberté de l’apprenant n’est pas reconnue au même niveau par tous les acteurs de la formation. Même si la réforme de la formation professionnelle de 2014 encourage l’innovation pédagogique, le stage reste culturellement aujourd’hui la référence. Mettre en place des actions de formation, avec une date de début et une date de fin, un programme avec des mêmes objectifs pour les stagiaires fréquentant les mêmes lieux avec un emploi du temps figé, apparaît toujours comme la recette première des actions de formations professionnelles. Cette description, certes caricaturale, qui fait l’impasse sur de nombreuses et intéressantes pratiques ouvertes de formation, interroge malgré tout notre rapport culturel aux savoirs, en particulier ceux des décideurs. Le modèle de l’école, avec un lieu pour transmettre un contenu, domine toujours largement, y compris dans le secteur de la formation professionnelle.

 

Dans un article publié en 2013[5] sur l’émergence des «Massives Open Online Course» ou MOOC et leurs conséquences sur le paysage de la formation impacté par l’usage du numérique au plan mondial, Marcel Lebrun apporte un éclairage intéressant sur la manière différenciée qu’ont les acteurs latins (plutôt de culture marquée historiquement par l’exercice la religion catholique), et les acteurs anglo-saxons (religion protestante) d’organiser le rapport aux savoirs

 

Extrait

 

Mais que sont ces compétences ? L’approche cognitive (basée sur l’appropriation des savoirs et savoir-faire, qui ne connaît pas la taxonomie de Bloom) y est complétée par des éléments qui touchent davantage aux comportements, aux attitudes, à la manière d’anticiper, de se mettre en projet: les savoir-être et savoir-devenir. Ces «compétences» qui sortent bien souvent du giron des disciplines purement académiques, qui sont également censées se développer toute la vie durant, qui font rarement l’objet d’un apprentissage formel … en prennent un statut de transversalité : compétences transversales, fuzzy competences ou encore compétences LLL (Life Long Learning).

 

L’Europe les définit dans son cadre de référence qui date déjà de 2006. Elles sont reliées à l’esprit critique, la créativité, l’initiative, la résolution de problèmes, le travail en équipe, la gestion de projets, l’évaluation des risques, la prise de décision …Mais où et quand formons-nous les apprenants à ces compétences ? Comment validons-nous les étapes de leur développement et allons-nous octroyer les certificats devenus badges ? L’approche du Learning by doing suffit-elle ou alors ces compétences doivent-elles faire l’objet en amont d’un apprentissage à part entière et en aval d’une opération d’appropriation et de réflexivité, d’un retour vers l’humain et ses environnements ? Les connaissances devenues numériques sont à compléter par un humanisme numérique toujours à construire.

 

A cet égard, il est intéressant de retourner plusieurs siècles en arrière à l’époque de l’invention du livre (une fabuleuse invention qui allait permettre déjà la diffusion des connaissances). L’approche «catholique» prônait l’importance d’avoir un clerc, un prêtre, un professeur qui fasse la lecture et délivre les «saints savoirs» et leur interprétation du haut de la chaire «ex-cathedra». Luther montre le livre comme un moyen d’accès direct à cette connaissance par tout un chacun. A l’heure actuelle, les anglo-saxons (pour aller vite) prônent une éducation moins inféodée aux Textbooks ou aux Massive Open Online Courses (tous deux considérés comme des ressources parmi d’autres) pour l’ouvrir à des temps et des espaces davantage consacrés aux activités et aux interactivités : les anglicismes Problems Based Learning, Flipped Classrooms, Peer Review voir Connectivist MOOC… nous viennent de ces horizons. Sommes-nous prêts à refonder l’école alors qu’elle n’a pas encore été «réformée» ? Entre modes transmissifs et socio-constructivistes, avons-nous compris que c’est à une révolution ouverte, complète, profonde, inscrite dans la durée (de l’école fondamentale au supérieur en continuant vers l’apprentissage toute la vie durant) que ces livres devenus MOOC nous conviennent ?

 

A la lecture de cette argumentation, on pourrait retenir que tous les acteurs de la formation ne projettent pas le même degré d’initiative potentiel des personnes apprenantes dans des dispositifs formels. Très clairement, il s’agit d’un fondamental APP qui, dans la culture professionnelle actuelle en France, n’est pas pleinement partagé et reste, en partie, décalé. C’est peut-être une explication d’une reconnaissance nuancée des services APP sur leur territoire par les financeurs : Régions, Collectivités, Entreprises, OPCA, Pôle Emploi, Agefiph, etc…

 

Le paysage est en train de changer. En août 2014, la publication du décret sur la FOAD[6] ré-éclairait l’exercice de la liberté de l’apprenant, et donc sa responsabilité, en lui reconnaissant légalement le droit de poursuivre une partie, ou la totalité, de sur parcours de formation, sans la présence continue de ses formateurs. De fait, le législateur conforte l’activité d’autoformation accompagnée comme une des modalités de déroulement d’un parcours de formation formelle. Pour les APP, il s’agit d’un appui majeur dans la sécurisation des financements et d’une ouverture importante pour vendre de nouvelles prestations sur des champs diversifiés. En Janvier 2016, le CNEFOP publiait la première liste des certifications des organismes de formation reconnues nationalement. Parmi tous ces certifications, le label APapp/AFNOR apparait comme le seul à la fois label qualité et label pédagogique. Il spécifie les conditions d’exercices de la liberté des apprenants au sein de l’APP proposant un mixte d’activités d’apprentissage contraintes, souples et libres[7].

 

Après avoir vécu, une période excitante d’expansion créative, suivi d’un temps de récession stressant, le réseau des APP, fort de son cahier des charges et de son label, aborde un troisième cycle de nouveau positif. En 2017, le réseau des APP, en renforçant son maillage territorial, participe pleinement, avec ses partenaires, à la mise en place d’écosystèmes innovants de parcours formation FOAD, dite multimodale.

 

Jean Vanderspelden – Février 2017 - www.iapprendre.fr

https://www.facebook.com/notes/jean-vanderspelden/app-entre-formation-apprenance/2529225230441799/


[1] L'apprenance est un néologisme qui définit une attitude et des pratiques individuelles et collectives. C'est la volonté de rester en phase avec son écosystème. Elle exprime une volonté d’apprendre et d’apprendre ensemble à quatre niveaux : individuel, organisationnel, inter-organisationnel et sociétal. C'est la démarche utilisée par les organisations apprenantes. Source Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprenance*

 

[2] Voir le Blog «Apprendre autrement» tenu par Denis Cristol - http://4cristol.over-blog.com/

 

[3] Référence livre «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» collectif coordonné par P. Carré & M. Tétart – Collection Savoir & Formation – Edition L’Harmattan


[4] Certifications CléA - https://www.certificat-clea.fr/


[5] « Les MOOC : entre mirage technologique et virage pédagogique … le retour ! »  - Marcel Lebrun  http://lebrunremy.be/WordPress/?p=629


[6] Chronique «Droit devant ; de nouvelles règles pour la formation à distance» - JP Willems pour le FORCO  http://forconet.forco.org/jpwillems/20140915/site/

 

[7] Repris de travaux de Jacques Dubois publié sur son blog http://prodageo.wordpresse.com – Dijon https://prodageo.wordpress.com/2016/04/02/evolutions-de-la-foad-questions-despace-et-de-temps/


APP, entre "Formation & Apprenance" ; Un positionnement culturellement encore décalé ?

2017 - Jean Vanderspelden - www.iapprendre.fr -  ITG

APP, entre "Formation & Apprenance" ; Un positionnement culturellement encore décalé ?

De la liberté de se former dans les espaces d'Apprenance que sont les APP !

 

Le concept d’Apprenance[1] est relativement nouveau. Pourtant, aujourd’hui, on parle déjà de pratiques et de territoires d'Apprenance. Si dans "le monde de la formation", le stagiaire doit s'adapter à l'offre de formation, dans celui de l'Apprenance, ce sont «les acteurs du savoir» qui construisent et qui animent, sur leur territoire, de nouveaux écosystèmes de formation au profit de communautés d’apprenants. Cette révolution copernicienne participe au développement de la politique européenne : «apprentissage tout au long de sa vie». Cette approche innovante peut offrir à chacun d’entre nous, de nouvelles occasions d’interagir et d’apprendre ; formelle et informelle, individuelle et collective, en présence et à distance, etc…. Cette révolution de «l’apprendre autrement»[2] est portée par la digitalisation accélérée de notre société cognitive et trouve, aujourd’hui, sa traduction dans le nouveau cadre légal.

 

Parmi, les différentes conditions de mise en œuvre durable de pratiques d’Apprenance figure en bonne place la reconnaissance de la liberté de l’apprenant ! Le mot «liberté» est peut-être un peu fort, mais il marque la rupture entre les dispositifs qui ont pour objectif de former les personnes et ceux qui créent les conditions favorables pour que les personnes puissent se former. Dans cette deuxième assertion, l’individualisation des parcours, associée à la personnalisation de l’accompagnement, crée les conditions d’une autorégulation autonomisante. Cette autorégulation, relative et progressive, des apprentissages par les apprenants eux-mêmes, prend forme dans leur motivation à produire et à interagir.

 

Acteurs de l’apprenance, les Ateliers de Pédagogie Personnalisée, dont l’ADN tourne autour de l’autoformation accompagnée, sont en première ligne, et cela, depuis leur création dans les années 1986[3]. Entre la date de création et les années 2008, l’Etat a subventionné une bonne partie de l’activité des APP. Ce mode financement a permis aux équipes de développer qualitativement et quantitativement l’activité des 450 APP (pic attesté successivement par IOTA+, puis par l’Algora). Cette montée en charge s’est faite en contre-point marginal, voire original, voir paradoxalement dérangeant, de l’ensemble des acteurs du champ de la formation professionnelle centrés sur «la gestion de stage» conformément aux attentes de la majorité des financeurs.

 

En 2008, l’Etat décide de généraliser le financement des actions de formation sur appel d’offre. Aussi, dans un souci de cohérence, pour ne plus être à la fois «juge et partie», l’Etat se désengage de la tutelle du réseau et oblige brutalement les APP à se positionner sur des logiques de marché centrées quasiment sur le modèle «Stage». Ce modèle est marqué par une unité de lieu, de temps et d’action. On pourrait qualifier le stage comme une action unimodale. Elle est peu compatible avec un exercice réel de la liberté de l’apprenant, lié à une réponse pédagogique flexible, voire sur mesure ! Cette nouvelle donne a créé, de fait, une crise au sein du réseau ; crise économique doublée d’une crise identitaire où une partie des décideurs des organismes porteurs d’APP, dans des contextes tendus, n’ont pas pu, n’ont pas su, n‘ont pas voulu affirmer l’APP comme un acteur original d’Apprenance ! C’est-à-dire, de mettre clairement «en avant» l’autofomation accompagnée comme une innovation majeure et efficace, en résonance, à la fois avec les nouveaux comportements des apprenants, et aussi, avec les attentes en terme de nouvelles compétences[4]. Malgré la volonté de nombreuses équipes d’APP et de responsables d’organismes de formation (GRETA, Association, CFPPA, CCI et autres), seuls 150 APP ont «résisté» à ce contexte réglementairement défavorable. Contre vent et marée, ils ont maintenu et adapté des pratiques communes d’accompagnement formatif, avec un cahier des charges à la fois affirmé et rénové, autour de l’APapp.

 

La dimension économique, et du coup, la mise en concurrence de réseaux de partenaires, nous semble-t-il, n’expliquent pas tout ! La liberté de l’apprenant n’est pas reconnue au même niveau par tous les acteurs de la formation. Même si la réforme de la formation professionnelle de 2014 encourage l’innovation pédagogique, le stage reste culturellement aujourd’hui la référence. Mettre en place des actions de formation, avec une date de début et une date de fin, un programme avec des mêmes objectifs pour les stagiaires fréquentant les mêmes lieux avec un emploi du temps figé, apparaît toujours comme la recette première des actions de formations professionnelles. Cette description, certes caricaturale, qui fait l’impasse sur de nombreuses et intéressantes pratiques ouvertes de formation, interroge malgré tout notre rapport culturel aux savoirs, en particulier ceux des décideurs. Le modèle de l’école, avec un lieu pour transmettre un contenu, domine toujours largement, y compris dans le secteur de la formation professionnelle.

 

Dans un article publié en 2013[5] sur l’émergence des «Massives Open Online Course» ou MOOC et leurs conséquences sur le paysage de la formation impacté par l’usage du numérique au plan mondial, Marcel Lebrun apporte un éclairage intéressant sur la manière différenciée qu’ont les acteurs latins (plutôt de culture marquée historiquement par l’exercice la religion catholique), et les acteurs anglo-saxons (religion protestante) d’organiser le rapport aux savoirs

 

Extrait

 

Mais que sont ces compétences ? L’approche cognitive (basée sur l’appropriation des savoirs et savoir-faire, qui ne connaît pas la taxonomie de Bloom) y est complétée par des éléments qui touchent davantage aux comportements, aux attitudes, à la manière d’anticiper, de se mettre en projet: les savoir-être et savoir-devenir. Ces «compétences» qui sortent bien souvent du giron des disciplines purement académiques, qui sont également censées se développer toute la vie durant, qui font rarement l’objet d’un apprentissage formel … en prennent un statut de transversalité : compétences transversales, fuzzy competences ou encore compétences LLL (Life Long Learning).

 

L’Europe les définit dans son cadre de référence qui date déjà de 2006. Elles sont reliées à l’esprit critique, la créativité, l’initiative, la résolution de problèmes, le travail en équipe, la gestion de projets, l’évaluation des risques, la prise de décision …Mais où et quand formons-nous les apprenants à ces compétences ? Comment validons-nous les étapes de leur développement et allons-nous octroyer les certificats devenus badges ? L’approche du Learning by doing suffit-elle ou alors ces compétences doivent-elles faire l’objet en amont d’un apprentissage à part entière et en aval d’une opération d’appropriation et de réflexivité, d’un retour vers l’humain et ses environnements ? Les connaissances devenues numériques sont à compléter par un humanisme numérique toujours à construire.

 

A cet égard, il est intéressant de retourner plusieurs siècles en arrière à l’époque de l’invention du livre (une fabuleuse invention qui allait permettre déjà la diffusion des connaissances). L’approche «catholique» prônait l’importance d’avoir un clerc, un prêtre, un professeur qui fasse la lecture et délivre les «saints savoirs» et leur interprétation du haut de la chaire «ex-cathedra». Luther montre le livre comme un moyen d’accès direct à cette connaissance par tout un chacun. A l’heure actuelle, les anglo-saxons (pour aller vite) prônent une éducation moins inféodée aux Textbooks ou aux Massive Open Online Courses (tous deux considérés comme des ressources parmi d’autres) pour l’ouvrir à des temps et des espaces davantage consacrés aux activités et aux interactivités : les anglicismes Problems Based Learning, Flipped Classrooms, Peer Review voir Connectivist MOOC… nous viennent de ces horizons. Sommes-nous prêts à refonder l’école alors qu’elle n’a pas encore été «réformée» ? Entre modes transmissifs et socio-constructivistes, avons-nous compris que c’est à une révolution ouverte, complète, profonde, inscrite dans la durée (de l’école fondamentale au supérieur en continuant vers l’apprentissage toute la vie durant) que ces livres devenus MOOC nous conviennent ?

 

A la lecture de cette argumentation, on pourrait retenir que tous les acteurs de la formation ne projettent pas le même degré d’initiative potentiel des personnes apprenantes dans des dispositifs formels. Très clairement, il s’agit d’un fondamental APP qui, dans la culture professionnelle actuelle en France, n’est pas pleinement partagé et reste, en partie, décalé. C’est peut-être une explication d’une reconnaissance nuancée des services APP sur leur territoire par les financeurs : Régions, Collectivités, Entreprises, OPCA, Pôle Emploi, Agefiph, etc…

 

Le paysage est en train de changer. En août 2014, la publication du décret sur la FOAD[6] ré-éclairait l’exercice de la liberté de l’apprenant, et donc sa responsabilité, en lui reconnaissant légalement le droit de poursuivre une partie, ou la totalité, de sur parcours de formation, sans la présence continue de ses formateurs. De fait, le législateur conforte l’activité d’autoformation accompagnée comme une des modalités de déroulement d’un parcours de formation formelle. Pour les APP, il s’agit d’un appui majeur dans la sécurisation des financements et d’une ouverture importante pour vendre de nouvelles prestations sur des champs diversifiés. En Janvier 2016, le CNEFOP publiait la première liste des certifications des organismes de formation reconnues nationalement. Parmi tous ces certifications, le label APapp/AFNOR apparait comme le seul à la fois label qualité et label pédagogique. Il spécifie les conditions d’exercices de la liberté des apprenants au sein de l’APP proposant un mixte d’activités d’apprentissage contraintes, souples et libres[7].

 

Après avoir vécu, une période excitante d’expansion créative, suivi d’un temps de récession stressant, le réseau des APP, fort de son cahier des charges et de son label, aborde un troisième cycle de nouveau positif. En 2017, le réseau des APP, en renforçant son maillage territorial, participe pleinement, avec ses partenaires, à la mise en place d’écosystèmes innovants de parcours formation FOAD, dite multimodale.

 

Jean Vanderspelden – Février 2017 - www.iapprendre.fr

https://www.facebook.com/notes/jean-vanderspelden/app-entre-formation-apprenance/2529225230441799/


[1] L'apprenance est un néologisme qui définit une attitude et des pratiques individuelles et collectives. C'est la volonté de rester en phase avec son écosystème. Elle exprime une volonté d’apprendre et d’apprendre ensemble à quatre niveaux : individuel, organisationnel, inter-organisationnel et sociétal. C'est la démarche utilisée par les organisations apprenantes. Source Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprenance*

 

[2] Voir le Blog «Apprendre autrement» tenu par Denis Cristol - http://4cristol.over-blog.com/

 

[3] Référence livre «Les Ateliers de Pédagogie Personnalisée ou l’autoformation accompagnée en actes» collectif coordonné par P. Carré & M. Tétart – Collection Savoir & Formation – Edition L’Harmattan


[4] Certifications CléA - https://www.certificat-clea.fr/


[5] « Les MOOC : entre mirage technologique et virage pédagogique … le retour ! »  - Marcel Lebrun  http://lebrunremy.be/WordPress/?p=629


[6] Chronique «Droit devant ; de nouvelles règles pour la formation à distance» - JP Willems pour le FORCO  http://forconet.forco.org/jpwillems/20140915/site/

 

[7] Repris de travaux de Jacques Dubois publié sur son blog http://prodageo.wordpresse.com – Dijon https://prodageo.wordpress.com/2016/04/02/evolutions-de-la-foad-questions-despace-et-de-temps/


Pratique APP ou la pédagogie de l'Apprenance

2024 - Marc Dennery C-Cmapus et Jean Vanderspelden ITG - www.blog-formation-entreprise.fr/jean-vanderspelden